Merci à Cynic de nous avoir concocté cette sélection. Et pour en retrouver d'autres, allez visiter Noirs Desseins plein de pistes intéressantes tant au niveau romans que films et musique.
Je me prête de bonne grâce à ce petit exercice que m'a gentiment proposé Caroline. Tout d'abord, je tiens à dire que je vais essayer d'éviter les « poncifs », du moins le plus possible, les habituelles recommandations que l'on peut trouver sur le genre (à une ou deux exceptions près) comme des renvois à des livres introuvables ou épuisés. J'aime, par exemple, parmi les « stars actuelles » Staalesen, Indridason, Ken Bruen ; parmi les francophones, Pouy, Manotti ou le plus classique Simenon (hors Maigret) mais je n'en parlerai pas.... des styles différents mais un goût prononcé pour autre chose que le policier au sens strict. C'est pour cela que je ne proposerai que du « Noir » et pas de policier d'investigation. Alors, c'est parti...
Je commence avec deux auteurs qui m'ont fait « choisir » le Noir comme genre de prédilection.
Pour moi, le plus grand écrivain de roman noir, c'est incontestablement Jim Thompson. Je trouve qu'il a un style, une gouaille, un sens de l'exploration de ce qu'il y a de plus profond en l'Homme assez subtil. Même si certains de ses ouvrages sont dispensables car un peu bâclés ou pas très bien construits (le bonhomme a écrit aussi pour faire « bouillir la marmite », ce qui explique une certaine quantité de romans secondaires), j'en vois au moins deux me paraissant être représentatifs de ce qu'il pouvait faire : M. Zero et Hallali.
Dans le premier, on est confronté à un héros diminué dans sa virilité, qui part un peu à la dérive. Ce livre représente pour moi le « Thompson analytique » écrivant du policier, noir certes, mais du policier. Pour faire court, bien sûr. Mais mon roman préféré de lui, c'est sans problème Hallali. Douze chapitres, douze narrateurs. Comme autant de visions, de regards différents portés sur un même drame. Là on touche à tout ce que Thompson pouvait et savait faire : une écriture qui s'adaptait aux personnages évoqués, à leurs travers, leurs bassesses (les pages dans lesquelles transpirent le racisme ou les ragots de la petite société étatsunienne sont un modèle du genre plus de 50 ans après...).
Plus proche de nous, dans le temps et l'espace, le génial Robin Cook (ou Derek Raymond outre-manche). Pas celui des thrillers « à l'hôpital » mais celui de l'enquêteur anonyme confronté à la fois à son mal-être, à la douleur de la perte de sa famille et qui essaie toujours d'aller au fond de la réalité des victimes, d'en percer leur mystère. Tant pis si je n'évite pas le cliché, mais véritablement, J'étais Dora Suarez a été un vrai choc, un roman comme on en lit peu, qui vous fait dire « bon sang, mais il y a quelque chose qui se passe là-dedans ».
Deux découvertes récentes, différentes dans leurs styles, leurs propos, leurs enjeux.
Le génial italien Massimo Carlotto dont je choisirai L'immense obscurité de la mort. Deux personnages principaux, un chapitre énoncé par chacun d'eux alternativement, une histoire de vengeance, un voyage au bout de la haine pour l'un, au bout de la rédemption pour l'autre.
L'Islandais Jon Hallur Stefansson et son premier roman Brouillages, mon livre numéro 1 en 2008. Un roman puzzle, une construction alambiquée mais qui ne perd jamais le lecteur (malgré, c'est à souligner, « l'exotisme » des noms islandais), un livre dans lequel les masques tombent et où les apparences cachent bien plus que de petits secrets sans importance, des derniers paragraphes qui mettent à mal nos interprétations.
Une petite recommandation « non roman noir ». Le fabuleux dyptique de Jonathan Coe, Bienvenue au Club et Le cercle fermé. Une autopsie de 30 années d'histoire anglaise à travers les destins croisés, ou pas, de nombreux personnages hauts en couleur, attachants ou détestables, de l'amour, de la haine, de la critique sociale et/ou sociétale raisonnée et dénuée de manichéisme. Un grand roman (j'en parle au singulier même si on en a bien deux tant ils sont indissociables.) 1000 pages à peu près. Un sentiment que tout est dit à la fin, qu'on ne peut rien ajouter comme rien enlever, que l'auteur a fait le tour, que chaque mot compte. Du grand roman, je disais...
Je me prête de bonne grâce à ce petit exercice que m'a gentiment proposé Caroline. Tout d'abord, je tiens à dire que je vais essayer d'éviter les « poncifs », du moins le plus possible, les habituelles recommandations que l'on peut trouver sur le genre (à une ou deux exceptions près) comme des renvois à des livres introuvables ou épuisés. J'aime, par exemple, parmi les « stars actuelles » Staalesen, Indridason, Ken Bruen ; parmi les francophones, Pouy, Manotti ou le plus classique Simenon (hors Maigret) mais je n'en parlerai pas.... des styles différents mais un goût prononcé pour autre chose que le policier au sens strict. C'est pour cela que je ne proposerai que du « Noir » et pas de policier d'investigation. Alors, c'est parti...
Je commence avec deux auteurs qui m'ont fait « choisir » le Noir comme genre de prédilection.
Pour moi, le plus grand écrivain de roman noir, c'est incontestablement Jim Thompson. Je trouve qu'il a un style, une gouaille, un sens de l'exploration de ce qu'il y a de plus profond en l'Homme assez subtil. Même si certains de ses ouvrages sont dispensables car un peu bâclés ou pas très bien construits (le bonhomme a écrit aussi pour faire « bouillir la marmite », ce qui explique une certaine quantité de romans secondaires), j'en vois au moins deux me paraissant être représentatifs de ce qu'il pouvait faire : M. Zero et Hallali.
Dans le premier, on est confronté à un héros diminué dans sa virilité, qui part un peu à la dérive. Ce livre représente pour moi le « Thompson analytique » écrivant du policier, noir certes, mais du policier. Pour faire court, bien sûr. Mais mon roman préféré de lui, c'est sans problème Hallali. Douze chapitres, douze narrateurs. Comme autant de visions, de regards différents portés sur un même drame. Là on touche à tout ce que Thompson pouvait et savait faire : une écriture qui s'adaptait aux personnages évoqués, à leurs travers, leurs bassesses (les pages dans lesquelles transpirent le racisme ou les ragots de la petite société étatsunienne sont un modèle du genre plus de 50 ans après...).
Plus proche de nous, dans le temps et l'espace, le génial Robin Cook (ou Derek Raymond outre-manche). Pas celui des thrillers « à l'hôpital » mais celui de l'enquêteur anonyme confronté à la fois à son mal-être, à la douleur de la perte de sa famille et qui essaie toujours d'aller au fond de la réalité des victimes, d'en percer leur mystère. Tant pis si je n'évite pas le cliché, mais véritablement, J'étais Dora Suarez a été un vrai choc, un roman comme on en lit peu, qui vous fait dire « bon sang, mais il y a quelque chose qui se passe là-dedans ».
Deux découvertes récentes, différentes dans leurs styles, leurs propos, leurs enjeux.
Le génial italien Massimo Carlotto dont je choisirai L'immense obscurité de la mort. Deux personnages principaux, un chapitre énoncé par chacun d'eux alternativement, une histoire de vengeance, un voyage au bout de la haine pour l'un, au bout de la rédemption pour l'autre.
L'Islandais Jon Hallur Stefansson et son premier roman Brouillages, mon livre numéro 1 en 2008. Un roman puzzle, une construction alambiquée mais qui ne perd jamais le lecteur (malgré, c'est à souligner, « l'exotisme » des noms islandais), un livre dans lequel les masques tombent et où les apparences cachent bien plus que de petits secrets sans importance, des derniers paragraphes qui mettent à mal nos interprétations.
Une petite recommandation « non roman noir ». Le fabuleux dyptique de Jonathan Coe, Bienvenue au Club et Le cercle fermé. Une autopsie de 30 années d'histoire anglaise à travers les destins croisés, ou pas, de nombreux personnages hauts en couleur, attachants ou détestables, de l'amour, de la haine, de la critique sociale et/ou sociétale raisonnée et dénuée de manichéisme. Un grand roman (j'en parle au singulier même si on en a bien deux tant ils sont indissociables.) 1000 pages à peu près. Un sentiment que tout est dit à la fin, qu'on ne peut rien ajouter comme rien enlever, que l'auteur a fait le tour, que chaque mot compte. Du grand roman, je disais...
La liste de lecture de Cynic :
Jim Thompson, Monsieur Zéro, Série Noire n°1009, Gallimard, 1966, Folio Policier ,2007 / Hallali (traduit de l'américain par Jean-Paul Gratias), Rivages Noir, 1994
Robin Cook, J'étais Dora Suarez, Rivages Noir, 1991 (traduit de l'américain par Jean-Paul Gratias)
Massimo Carlotto, L'immense obscurité de la mort, Métailié, 2006 (traduit de l'italien par Laurent Lombard), Points Roman noir, 2008
Jon Hallur Stefansson, Brouillages, Gaïa, 2008 (traduit de l'islandais par Eric Boury)
Jonathan Coe, Bienvenue au club, Gallimard, 2003 (traduit par Serge Chauvin et Jamila Chauvin), Poche folio 2004 / Le cercle fermé, Gallimard, 2006 (traduit par Serge Chauvin et Jamila Chauvin) , Poche folio, 2007
Robin Cook, J'étais Dora Suarez, Rivages Noir, 1991 (traduit de l'américain par Jean-Paul Gratias)
Massimo Carlotto, L'immense obscurité de la mort, Métailié, 2006 (traduit de l'italien par Laurent Lombard), Points Roman noir, 2008
Jon Hallur Stefansson, Brouillages, Gaïa, 2008 (traduit de l'islandais par Eric Boury)
Jonathan Coe, Bienvenue au club, Gallimard, 2003 (traduit par Serge Chauvin et Jamila Chauvin), Poche folio 2004 / Le cercle fermé, Gallimard, 2006 (traduit par Serge Chauvin et Jamila Chauvin) , Poche folio, 2007