Hier soir nous nous sommes rendu au
Lieu Unique à Nantes, qui accueillait dans le cadre d'un "cycle polar noir" de son Université Pop, François Angelier et Jean-Yves Bochet de l'émission
Mauvais Genres de France Culture. À Nantes, il fait parfois meilleur être parisien que nantais pour être invité dans les hauts lieux de la culture.
Intitulé du cours :
James Ellroy : figure mythique du roman noir épique - La violence est-elle liée à la géographie des villes ?Il faut savoir que l'Université Pop réussit à déplacer de nombreuses personnes. En effet, les abonnés du Lieu Unique peuvent assister gratuitement à ces cours, qui autrement vous coûteront 3 euros. Ainsi un examen sociologique du public laisse apercevoir une dominante féminine, qui tend plutôt vers la cinquantaine et d'une classe sociale sans aucun doute supérieure. Le programme, lui, est souvent riche et appuyé par des conférenciers intéressants (souvenir d'une discussion passionnante avec Tanguy Viel).
Hier soir dès l'introduction le doute s'est installé. Nous n'avons pas noté les phrases textuellement aussi il faudra se contenter de l'idée générale. Sachez donc que le polar est souvent médiocre, simple application d'une recette à destination de "fans de polars" présentés vaguement comme des arriérés. Soit. Peut-être pour rassurer son public sur sa qualité de lecteur Angelier cite Genet et Artaud, Céline. La vraie littérature, quoi. Nous sommes les premiers à dire qu'il y a de sacrés mauvais romans dans le polar, mais dites, y en-a-t-il plus que dans cette noble littérature blanche ?
Après nous avoir déroulé la mythologie James Ellroy (l'alcool, la mort de sa mère, le provocateur pas vraiment raciste) qu'ils ont d'ailleurs souvent évoqué par le terme "personnage", nos deux comparses - un véritable spectacle en duo - ont évoqué les écrits, la vision d'une Amérique par ses nervis plutôt que par ses stars (Kennedy, Luther King, Hoover...) et le style Ellroy, bien sûr. Des termes comme "explosions", "monstre", "péché originel"... sont fréquemment revenus avec au bout de tout ça une conclusion parmi d'autres : Ellroy est un grand auteur, "tout court". Pas un auteur de polar, non, parce que c'est tellement bon que ça dépasse le polar. Si, si. Un bon polar, ce n'est plus du polar (à prononcer avec un geste qui balaie de la main), c'est de la littérature (vous rajouterez bien sûr le L majuscule). D'ailleurs, il paraît qu'Ellroy lui-même le dit maintenant, le polar c'est fini, passé.
Tout de même, les quelques minutes consacrées au thème (la violence et la géographie des villes) auraient mérité un véritable développement. Comment Ellroy présente Los Angeles dans ses romans, comment sa vie tourne autour de Los Angeles, l'endroit où sa mère a été tuée, comment la ville privilégie la vitesse et les grands axes et à quel point il est facile de s'y débarrasser d'un cadavre... La lecture d'un extrait du
Moisson Rouge de Dashiell Hammett a tout de même permis de saisir le parallèle indéniable avec l'écriture d'Ellroy. On aura appris une chose. Qui compense à peine le fait de s'entendre dire pour la n-ième fois qu'un roman de genre, (polar, SF) s'il plaît à ces grands critiques, "dépasse" le genre, "est plus" que le genre. Les mêmes qui parfois, se rengorgeront pour vous dire que "le polar a acquis ses lettres de noblesse".
En tout et pour tout il y eut environ 15 minutes d'intéressantes sur plus de 1 h30 de "conférence" où les éléments biographiques chocs de James Ellroy (l'auteur qui écrit pour ne pas mourir/devenir fou/devenir un tueur, comme s'il n'aurait pas aussi pu être tiens, chanteur de hard rock ?) ont été répétés plusieurs fois de suite comme dans une mauvaise rengaine complaisante. C'est un peu triste... On aurait voulu entendre parler du lien entre le
Libra de De Lillo et le
Underworld USA d'Ellroy, par exemple. De véritables surprises. Mais sans doute le programme n'était pas destiné au "fans de polars"...
Prochaine session mercredi 12 janvier à 18h30, toujours avec François Angelier et Jean-Yves Bochet qui évoqueront Ledesma, David Peace et Ken Bruen. Pour nous, ce sera direction le Melting Potes pour écouter des clichés littéraires vus par Pouy et Mizio (26 bd de la Prairie au Duc à 19h).