Paru en 1995, Les Racines du Mal avait fait grand bruit je m’en souviens, et comme beaucoup je l’ai lu, très impressionnée. Quand j’y repense, c’était sans doute mon premier polar, exception faite des Agatha Christie et Club des Cinq.
Quinze ans après et voilà l’envie de retourner y voir de plus près, avec le recul, ce fameux opus de Dantec. Pour commencer par la conclusion : le roman a mal vieilli. Une bonne palanquée de romans de serial killer est passée par là, mais ce n’est pas le plus gênant. Le côté technologique et apocalypse pré-an 2000 avec sectes en folie et guérillas dans les cités, ça fait juste marrer. En même temps, impossible de ne pas voir là un condensé des futures marottes et pseudos analyses socio-politiques de l’auteur.
En fait les 220 premières pages du roman auraient suffi. L’histoire de Schaltzmann le psychotique, ses meurtres, sa traque par les flics, son suivi psychologique, tout ça se tient. Mais quand une équipe d’experts est montée pour partir à la poursuite d’un autre tueur qui se révèle être une bande... ça vire au grand guignol. Connaître « la nature quantique de l’univers » à travers les diaboliques personnages nommés « ceux des ténèbres », effectivement ça peut impressionner quand on a 18 ans. Et puis surgissent des théories comme « l’apparition des meurtriers en série est en effet inséparable de la naissance de la civilisation des loisirs. Et ce, pour une raison bien simple : il faut du temps pour tuer. Et surtout il ne faut rien avoir de mieux à faire. La civilisation des "loisirs" masque un sous-développement flagrant de l’esprit humain (...) » Oh ? Les loisirs ? Rien à voir avec autre chose ? Aujourd’hui ce serait la faute aux 35h et aux RTT, alors ? Heureusement, avec l’allongement de la durée du travail on n’aura plus le temps pour tuer ! Et bien sûr « La plupart des meurtriers en série ont en effet un QI se situant dans les strates supérieures du tableau. » Sans oublier la théorie de la « coupure des racines » : un enfant déplacé, qui déménage, est séparé de ses origines, d’où l’apparition du Mal... Ajouté à ça un mélange de Tao, Kabbale, délire cosmologique... J’avais finalement hâte de terminer ce roman. Et plus guère envie de revenir à Dantec.
Maurice G. Dantec,
Les racines du mal, Gallimard/Série Noire, 1995, 635 p.