Puis, vient le deuxième pavé avec l’attaque contre Fred Vargas. Oui, elle serait comme un problème pour le polar français car « la présence de Fred Vargas empêche la vraie naissance d’autres auteurs ». « On achète ça comme des croissants » dit le libraire Nicolas Le Fort. Elle prend la place pour la nouvelle génération : DOA, Marcus Malte, Antoine Chainas, Joseph Incardona… Seul Hubert Artus temporise et développe des arguments plus solides, précisant que Vargas n’empêche rien et que son problème serait plutôt de ne pas réussir à renouveler ses histoires. Pas un ne se demande quels sont les romans qui prennent véritablement la place, ni pourquoi, ni comment ce phénomène existe. Pensez-bien…
Christine Ferniot (L’Express, Lire), Gérard Meudal (Le Monde des livres), Marc Fernandez (magbook Alibi), Nicolas Lefort (librairie Audé à Paris) et Hubert Artus (Rue89) vont donc proposer à l’auditeur une sélection de 16 polars, dans laquelle ils vont très logiquement défendre la nouvelle génération de polar français en y faisant généreusement figurer… 4 auteurs (dont un mort, Sébastien Japrisot, réédité en Quarto Gallimard) Barouk Salamé étant rajouté par le présentateur de l’émission. Si l’on accepte le fait que ces chroniqueurs délivrent uniquement de la nouveauté, sans éprouver le besoin d’extirper de leurs mémoire et connaissance des romans qui ont dépassé la date de péremption de la présentation en librairie, on peut quand même grincer des dents face à la grande conformité des titres retenus parmi ces nouveautés. Bien sûr, toute sélection suppose des choix, difficile de parler de tous les romans qui sont publiés, mais ces choix en disent long. Ce qui ne signifie pas que ces titres sont tous mauvais.
Rien à dire sur James Lee Burke (Rivages), Elvin Post (Seuil) et les nouveautés comme Attica Locke (Gallimard), John Burdett (Presses de la cité) ou Greg O’Lear (Gallmeister). S’il y a un roman que j’ai envie de découvrir, c’est Fin du monde à Breslau de Marek Krajewski (Rivages). Quant à Kem Nunn (Sonatine), Carlos Salem (Actes Sud) et Barouk Salamé (Rivages), j’ai plutôt apprécié leurs derniers ouvrages.
Je ne partage pas l’enthousiasme de Hubert Artus pour qui Les Harmoniques de Marcus Malte (Gallimard) est « sans pathos », et je me demande s'il ne se trompe pas quand il dit de cette histoire que les enquêteurs vont « retourner en ex-Yougoslavie, on va les retrouver à Vukovar »… Du Savages de Don Winslow (Le Masque) il explique que c’est le meilleur roman jamais édité sur le trafic de drogue. J’adore ce genre d’affirmation globale et définitive, ça me donne tout de suite envie de lui demander s’il connaît Daniel Chavarria.
C’est cocasse de choisir Dominique Sylvain avec Guerre Sale (Viviane Hamy), je trouve que sa façon de raconter les histoires fait penser à Fred Vargas, l’aspect onirique en moins ; et Le Paradoxe du cerf-volant de Philippe Georget (Jigal) en étant à deux doigts de traiter cette maison d’édition de régionale tendance pastis.
Ce qui est rageant quand on aime la bonne littérature, et la littérature policière en particulier, c’est d’entendre en parler de la sorte sur une radio d’importance, par des journalistes qui ont la caution médiatique et orientent donc l’image du polar aux yeux du grand public.
Ça devient énervant quand il s’agit de se voir encore servir les « buzz » qui n’ont pas besoin de plus de pub, c’est à dire l’auteur Anonyme (Sonatine), avec une histoire dont le héros est décrit par Marc Fernandez comme « le plus grand tueur en série de l’histoire de la littérature noire… », roman qui repose sur un suspense palpitant : est-ce le prince Charles ou Tarantino qui l’a écrit ? L’autre buzz venant encore de chez Sonatine (ça buzze beaucoup chez Sonatine, très bien vendue par son agence de presse, Sofab, qui s’occupe également du magbook Alibi) avec SJ Watson et Avant d’aller dormir, dont Nicolas Lefort précise que c’est un « thriller pop corn pour l’été », « typiquement féminin ». On est contents après ça que le polar ait gagné ses lettres de noblesse, ce genre de propos ne va pas tarder à les lui faire perdre dare dare.
Caroline de Benedetti