Je ne suis pas une familière de la science-fiction. Je ne maîtrise pas l’histoire du genre et ses classiques. J’ai lu le roman de China Miéville en néophyte, sans pouvoir relier cet opus à sa place dans la SF (à part qu’il m’a évoqué par certains côtés le roman de Mircea Cartarescu, Orbitor).
La ville comme métaphore
J’ai d’abord et surtout apprécié l’imaginaire de l’auteur, tant sur le plan du contexte inventé que des trouvailles langagières et la réappropriation de certains mots (gros travail de traduction !) : bienvenue dans une ville extra-ordinaire où l’on évise, rupte et trame.
The city & the city c’est notre univers familier, à vous et moi, (via des références comme Internet, MP3, Myspace, Amnesty...) mais vu sous un angle décalé ou grossi, comme si l'on jouait à loucher et qu'on ne puisse plus distinguer le modèle original. C’est un monde incarné par une ville, une unité géographique à l’intérieur de laquelle cohabitent en fait deux villes : deux architectures, deux types d’habitants, deux plaques d'immatriculation, deux passeports... Un peu comme si vous développiez une deuxième personnalité, l’une ignorant parfaitement l’autre. Ul Quoma et Beszl, donc, rappellent bien sûr Berlin, la Palestine ou encore l’Afrique du Sud de l’Apartheid, tous ces lieux où une population est mise à l’écart de l’autre. En poussant un peu, on y verra une métaphore de l’altérité, de la dualité et de notre capacité à rejeter l’autre. Il n'est pas toujours besoin de guerre ou de mur pour donner corps à une barrière.
Ul Qoma, dirigée par le Parti National Populaire, a interdit les partis socialistes, fascistes et religieux et mène une glastnostroika. Beszl incarne le capitalisme. Deux Histoires et deux évolutions différentes, racontées par un flic de chaque bord. Là est le plaisir, l’originalité. Explorer avec eux, comprendre la rupture (cet acte de franchir sans autorisation le passage entre deux villes, qui revient à voir l’interdit), et la Rupture, cette police omnipotente, dangereuse, croquemitaine de contes. Un tel contexte joue sur les fantasmes et les légendes, outre celle de la Rupture, il y a celle d’Orciny, une 3e ville, une ville fantôme peuplée de bannis, qui se tiendrait dans les interstices, les espaces vides.
La trame policière
The city & the city est un roman urbain, bien sûr, et pour une fois le qualificatif n’est pas usurpé. La ville est un personnage, double, et triple qui nous promène dans un décor fabuleux. Le prétexte à cette exploration urbaine, c’est une enquête policière, et le gros point faible de l’histoire se situe là, à mon avis. Cadavre retrouvé sur un terrain vague, jeune femme mystérieuse ruptant d’une ville à l’autre, qui l’a tuée, pourquoi ?... finalement cela ne touche pas le lecteur. Mais comprendre Ul Quoma et Beszl, les lois qui les régissent, l’éducation des habitants pour qu’ils apprennent à occulter l’immeuble à côté du leur parce qu’il fait partie de la ville "en face", l’activisme des nationalistes et des unificateurs... Cet environnement soulève des problématiques captivantes, auxquelles on pourra repenser après la lecteur. Mais elles restent à mon sens inabouties, en quelque sorte parasitées.
Dans les problématiques liées à l’existence de deux villes étrangères en une, il y a bien sûr le lecteur, le monde dans lequel il évolue et sa vision des choses. China Miéville ne passe pas loin de nous le faire sentir avec force.
China Miéville, The city & the city, Fleuve Noir, 2011, 20 euros, 391 p.
(Caroline de Benedetti)
La ville comme métaphore
J’ai d’abord et surtout apprécié l’imaginaire de l’auteur, tant sur le plan du contexte inventé que des trouvailles langagières et la réappropriation de certains mots (gros travail de traduction !) : bienvenue dans une ville extra-ordinaire où l’on évise, rupte et trame.
The city & the city c’est notre univers familier, à vous et moi, (via des références comme Internet, MP3, Myspace, Amnesty...) mais vu sous un angle décalé ou grossi, comme si l'on jouait à loucher et qu'on ne puisse plus distinguer le modèle original. C’est un monde incarné par une ville, une unité géographique à l’intérieur de laquelle cohabitent en fait deux villes : deux architectures, deux types d’habitants, deux plaques d'immatriculation, deux passeports... Un peu comme si vous développiez une deuxième personnalité, l’une ignorant parfaitement l’autre. Ul Quoma et Beszl, donc, rappellent bien sûr Berlin, la Palestine ou encore l’Afrique du Sud de l’Apartheid, tous ces lieux où une population est mise à l’écart de l’autre. En poussant un peu, on y verra une métaphore de l’altérité, de la dualité et de notre capacité à rejeter l’autre. Il n'est pas toujours besoin de guerre ou de mur pour donner corps à une barrière.
Ul Qoma, dirigée par le Parti National Populaire, a interdit les partis socialistes, fascistes et religieux et mène une glastnostroika. Beszl incarne le capitalisme. Deux Histoires et deux évolutions différentes, racontées par un flic de chaque bord. Là est le plaisir, l’originalité. Explorer avec eux, comprendre la rupture (cet acte de franchir sans autorisation le passage entre deux villes, qui revient à voir l’interdit), et la Rupture, cette police omnipotente, dangereuse, croquemitaine de contes. Un tel contexte joue sur les fantasmes et les légendes, outre celle de la Rupture, il y a celle d’Orciny, une 3e ville, une ville fantôme peuplée de bannis, qui se tiendrait dans les interstices, les espaces vides.
La trame policière
The city & the city est un roman urbain, bien sûr, et pour une fois le qualificatif n’est pas usurpé. La ville est un personnage, double, et triple qui nous promène dans un décor fabuleux. Le prétexte à cette exploration urbaine, c’est une enquête policière, et le gros point faible de l’histoire se situe là, à mon avis. Cadavre retrouvé sur un terrain vague, jeune femme mystérieuse ruptant d’une ville à l’autre, qui l’a tuée, pourquoi ?... finalement cela ne touche pas le lecteur. Mais comprendre Ul Quoma et Beszl, les lois qui les régissent, l’éducation des habitants pour qu’ils apprennent à occulter l’immeuble à côté du leur parce qu’il fait partie de la ville "en face", l’activisme des nationalistes et des unificateurs... Cet environnement soulève des problématiques captivantes, auxquelles on pourra repenser après la lecteur. Mais elles restent à mon sens inabouties, en quelque sorte parasitées.
Dans les problématiques liées à l’existence de deux villes étrangères en une, il y a bien sûr le lecteur, le monde dans lequel il évolue et sa vision des choses. China Miéville ne passe pas loin de nous le faire sentir avec force.
China Miéville, The city & the city, Fleuve Noir, 2011, 20 euros, 391 p.
(Caroline de Benedetti)