L'alignement des équinoxes, Sébastien Raizer

dimanche 31 mai 2015


Sébastien Raizer est un nouveau venu dans le polar français, mais pas dans le paysage éditorial, puisqu'il a co-fondé les éditions musicales Camion Blanc, et leur versant Camion Noir.

Avec L'alignement des équinoxes il signe un premier roman qui tient du thriller mystico-japonisant. Mystico, pour les références et la philosophie ; japonisant, idem. D'ailleurs, tout commence avec un homme décapité au sabre par une femme. Derrière ce meurtre et d'autres, un psy manipulateur surnommé La Vipère veut atteindre l'"alignement", un état d'épanouissement supérieur. Deux flics, Wolf et Silver, enquêtent sur l'affaire qui va les toucher au-delà de la normale. Wolf et Silver, ce sont des pseudos bien sûr, ils ont des vrais noms comme Luc Hackman (ancien commando qui a fait la guerre, à le lire on dirait le Vietnam) et Linh Schmitt (orpheline laotienne devenue bouddhiste qui mange vegan). Les considérations philosophiques des personnages rappellent l'adolescence et ses questionnements sur la vie-la mort-et ma place dans tout ça ? Si vous avez dépassé ce stade, la lassitude vous guette, même si la partie thriller a suffisamment de rythme pour faire avancer la lecture sans ennui. 

Derrière ce divertissement avec ses personnages hauts en couleur, il y a une deuxième couche dont le parfum peut parfois écoeurer. Wolf, décrit comme un soldat guerrier adepte du travail d'équipe, plante le décor dès la page 39, après qu'il soit intervenu sur la scène du suicide d'un jeune : "Darwin est le véritable ordonnateur de ce monde, largement au-dessus de toutes les crapuleries religieuses, politiques, et bancaires qui à cette échelle constituent une simple diversion." Difficile de savoir quelle serait la société idéale de Wolf. Il aime l'ordre naturel des choses (tiens), trouve que le rôle de la police est d'éliminer les déchets de la société (oui, déchets), des individus "dégénérés" (oui, dégénérés) qui sont comme des polluants. "Le capitalisme appliquait strictement les lois du darwinisme social. Lui, Wolf, était une arme. Et le système social ne se servait pas de cette arme pour éliminer ses propres déchets, mais pour les canaliser vers une poche de rétention cancéreuse. C'était absurde. Le système social n'était pas aligné. La société était une dégénérescence."
On ne sait pas trop s'il pense au SDF qui carotte sa bouteille de pif, au mec qui trafique de la dope, au banquier qui joue avec les marchés ou au type bourré qui se fait prendre en excès de vitesse. En tout cas, le merdier a ici l'air d'être plus de la faute de l'individu que d'un quelconque fonctionnement de la société. Certes, le personnage n'a pas à être sympathique. Et, après tout, si avec ses amis flics il considère que l'administration est trop procédurière, que la loi fait un peu chier et qu'il faut se décider à agir en dehors des règles, on veut même bien le comprendre un peu. Bon, ce sont toujours les mêmes qui s'accordent la liberté de transgresser, mais ne finassons pas... Il est vrai que ce monde est pourri, tout le monde s'entend pour le dire, mais tout le monde n'en tire pas les mêmes conclusions.

Et puis, un détail surgit dans l'histoire : les meurtres en série seraient couverts par les politiques afin de garantir la paix sociale. En voilà une nouvelle, les politiques nous mentent (on s'en doutait) mais pour nous cacher qu'en fait les tueurs en série sont partout. Loin de moi l'idée d'imaginer que ce soit dit sérieusement, ceci est une fiction, mais au juste, pourquoi cet élément ?

Ces quelques éléments et d'autres produisent une petite démangeaison. Il flotte un air de loi du plus fort enrobé de charabia douteux. Les personnages se parent d'une aura particulière parce qu'ils se sentent en communion avec la nature en faisant leur footing (moi aussi ça m'arrive de m'émerveiller en croisant un canard sur l'étang quand je cours et de respirer le parfum des fleurs comme si elles étaient là pour moi). Ce sont peut-être des aventuriers modernes, en prise avec le dark web, côtoyant des vegan et des terroristes verts ; ils amalgament surtout des tendances d'aujourd'hui qui ressemblent à de l'épate sans beaucoup de fond ; une critique du capitalisme avec laquelle tout le monde va facilement tomber d'accord. La comparaison avec Dantec apparaît justifiée et explique sans doute le succès que semble avoir ce roman, dont la suite déjà annoncée permettra peut-être de voir la direction que prend l'auteur. Serez-vous aligné ?

Sébastien Raizer, L'alignement des équinoxes, Gallimard/Série Noire, 2015, 463 p., 20 €

Caroline de Benedetti

Cocaine Blues (PP n°394)

jeudi 28 mai 2015


Willie Lee s'est levé ce matin, il a pris un shoot de cocaïne, il a tué sa femme et la vie se complique pour lui. Voilà un petit polar signé Hank Williams III.


Et n'oubliez pas votre Petit Polar n°393 du côté de chez K-Libre.

L'Indic, Religion, un abonnement, un cadeau (17)

mercredi 27 mai 2015



Pour ce 21ème numéro toute l'équipe de L'Indic a religieusement enquêté pour vous concocter un gros dossier Religion. Barouk Salamé et Frank Bouysse sont aussi de la partie pour donner à lire et à voir sur la thématique.

Une fois sortis de l'église, vous pourrez lire une nouvelle d'Anouk Langaney issue du trophée des 2M, suivre l'interview de Dror Mishani, potasser vos bandes-originales et partir pour Noirmoutier visiter le lieu du crime.

Pour vous rincer l'oeil, il y a ce qu'il faut en icônes : Les Pictos continuent de radiographier les pieds et les mains d'auteurs, Serge Quadruppani se promène à Nantes sous l'oeil d'Olivier Favier, et un auteur nous offre une photo sortie tout droit de son album jeunesse. Vous trouverez aussi Le trône de fer et Marillion, une ribambelle de fessiers masculins, Robert Mitchum, Distorsion, des chroniques et des infos sur le monde du polar. Le sommaire est ici.

Et rappellez-vous : si vous ne trouvez pas L'Indic dans votre boîte à lettres, c'est que vous n'êtes pas abonné.
Mais ne paniquez pas, en partenariat avec Fleuve Noir, nous offrons aux 5 prochains abonnés le tout dernier roman de l'italien Maurizio de Giovanni, La collectionneuse de boules à neige.

OFFRE TERMINÉE IL NE RESTE PLUS D'EXEMPLAIRES DES LIVRES. MAIS VOUS POUVEZ QUAND MÊME VOUS ABONNER... 


Pour vous abonner, il suffit de retourner un chèque de 28 euros (4 numéros par an)
à l'ordre de Fondu Au Noir, 2 rue Marcel Sembat - 44100 NANTES.

Les sommaires (n°21 à 30)

mardi 26 mai 2015




Numéro 23
Dossier Bestiaire (par Jocelyne Hubert, Jérôme Jukal, Julien Heylbroeck, Caroline de Benedetti, Julien Védrenne et Geoffrey Domangeau)
Iconographie
Garde à vue : Craig Johnson, Paola Barbato
À lire et à voir : les conseils de Benoît Minville, Bruno Lamarque, Gwen Lebars
La musique adoucit les moeurs : Les canots du Glen Carrig et Ahab
Le boudoir : La chambre bleue (par Emeric Cloche)
Focus : Le Noir est un polar comme les autres (par Emeric Cloche) - De Judex à Fantômas et Irma Vep (par Catherine Dô-Duc) - Jack Vettriano
Scoop : Utopiales par Emeric Cloche
Verdict : Opération Napoléon, Arnaldur Indridason - Entre toutes les femmes, Erwan Larher - Le contrat Salinger, Adam Langer - Les ombres de Katyn, Philip Kerr - La résurrection de Luther Grove, Barry Gornell - Le blues des grands lacs, Joseph Coulson - Là où se cache le diable, Benjamin Guérif - Je suis sa fille, Benoît Minville - Le dossier Bug le Gnome, Renaud Marhic - La malédiction du tigre blanc, Carlos Salem - La quête de Wynne, Aaron Gwyn - La santé par les plantes, Francis Mizio - Les enfants de l'eau noire, Joe R. Lansdale - Personne ne court plus vite qu'une balle, Michel Embareck - Combat de coqs, Charles Willeford - Stoner Road, Julien Heylbroeck - Une plaie ouverte, Patrick Pécherot - Broen (DVD)
Main courante
Comparution immédiate
Bande originale : AlienGremlinsBaxter par Emeric Cloche
When we were young


Numéro 22
Dossier Crime à la campagne (par Jocelyne Hubert, Emeric Cloche, Julius Marx, Caroline de Benedetti, Julien Védrenne et Geoffrey Domangeau)
Iconographie
Garde à vue : Aurélien Masson, Oliver Gallmeister et Cyril Herry
À lire et à voir : les conseils de Marie Neuser
La musique adoucit les moeurs : Un rêve mandarine et Gérard Manset
Le boudoir : Les jours et les nuits de China Blue (par Emeric Cloche)
Dernière séance : Le canardeur de Cimino (par Julius Marx)
Scoop : Dirty week end par Marie Van Moere
Verdict : Obia, Colin Niel - Ils savent tout de vous, Iain Levison - Sauvagerie, Matthew Stokoe - Même pas morte, Anouk Langaney - Les assassins, R.J. Ellory - Alabama Shooting, John N. Turner - Sacré bleu, Christopher Moore - Frank Sinatra dans un mixeur, Matthew McBride - Goldstein, Volker Kutscher - Amor, Dominique Forma - La ballade des misérables, Anibal Malvar - L'oiseleur, Max Bentow - Larguez les anars !, Hervé Sard - Quelqu'un à tuer, Olivier Martinelli - The Fear (DVD) - Soupçons, la dernière chance (DVD)
Main courante
Comparution immédiate
Bande originale : There will be blood, Straight Story, Take shelter et Cabin Fever
Le lieu du crime : Le chemin de Dunkerque, Pascal Dessaint
When we were young

Numéro 21

Dossier Religion (par François Braud, Jocelyne Hubert, Emeric Cloche, Julius Marx, Caroline de Benedetti, Julien Védrenne et Geoffrey Domangeau)
Des pieds et des mains : Hervé Commère par Les Pictographistes
À lire et à voir : les conseils de Barouk Salamé et Franck Bouysse
Garde à vue : Dror Mishani
Photo : Quadruppani par Favier
La musique adoucit les moeurs : Le trône de fer et Marillion
Le boudoir : Mainstream butts
Dernière séance : La nuit du chasseur (par Julius Marx)
Verdict : Même pas peur, Ingrid Astier - La fille aux doigts d'or, Benjamin et Julien Guérif - L'autre ville, Michal Ajvaz - Envoûtée, Megan Abbott - Or Noir, Dominique Manotti - Adieu Lili Marleen, Christian Roux - Du sang sur la glace, Jo Nesbo - Imagine le reste, Hervé Commère - Elmore Leonard, un maître à écrire, Laurent Chalumeau - Tueurs de flics, Frédéric H. Fajardie - Le massacre des innocents, Jean-Jacques Reboux - Le chemin s'arrêtera là, Pascal Dessaint - Ratlines, Stuart Neville - Sauve-toi !, Kelly Braffet - 
InfractionBon débarras, une nouvelle d'Anouk Langaney
Comparution immédiate avec Agatha Christie, Jake Hinkson, Estelle Surbranche, Dror Mishani, Laura Kasischke, Edyr Augusto, Alessio Viola et Heinrich Steinfest
Bande originale : The dunwich horrorThe wicker man et Sorcerer
Le lieu du crime : Maléfices à Noirmoutier
When we were young

Pour être un agent secret (Petit Polar 391)

jeudi 21 mai 2015


En 1966, Petula Clark égrène les agent secrets, à la fin il n'en restera qu'un...


5.15 am (Petit Polar 390)

jeudi 7 mai 2015


5 heures 15 du matin, la neige tombe et le corps d'un homme va être retrouvé... une ballade de Mark Knopfler qui rappelle l'affaire du One armed bandit murder.


Et n'oublier pas votre Petit Polar n°389 du côté de chez K-Libre.

Cry Father, Benjamin Whitmer

mercredi 6 mai 2015

Pike, premier roman de l'auteur américain, est sorti en 2012. Pour le baptême de la nouvelle collection NeoNoir de Gallmeister, c'est Cry Father qui s'y colle, confirmant que l'éditeur reste fidèle à ses auteurs.

Noir : l'adjectif revient souvent pour parler des romans de l'auteur, de son univers, de la violence qu'on y trouve. Dans Pike, elle était peut-être un peu trop totale, en manque de contrepoints. 

Benjamin Whitmer à Nantes

Les personnages secondaires, l'humour, la tendresse et l'humanité derrière beaucoup de rudesse se font mieux sentir dans Cry Father

En tournée en France, Benjamin Whitmer est passé par Nantes à la librairie Les Nuits Blanches où nous avons pu l'interroger. Econome de ses mots, il donne quelques explications qui permettent de mieux situer son univers, son goût des armes à feu, de Baudrillard, du western... Sur le terme "roman policier", il démarre au quart de tour, car la police n'a pas son admiration. Aux Etats-Unis la police tue régulièrement ; un de ses amis y est passé. "C'est un problème systémique, je ne vois pas comment il peut être réglé." Par ricochet, rien n'est à la gloire des policiers dans ses romans, quand ils sont présents, ils sont corrompus. "Il y a assez de livres comme ça pour la bourgeoisie qui aime les flics."

Si rencontrer un auteur permet de mieux le comprendre, son style permet déjà de se faire une idée. Bien sûr, il  faut distinguer l'auteur de son oeuvre, mais quand l'un est en adéquation avec l'autre, ça fait du bien. Un élément important se dégage des romans de Benjamin Whitmer, c'est la liberté que ses personnages veulent atteindre face à un système qui en laisse si peu. De Nantes, l'auteur repartira d'ailleurs avec quelques achats dont un porte-clé "Vivre libre ou mourir" ramené du Château des Ducs de Bretagne. Quant à ses personnages, ils ne vivent pas en ermites même s'ils préfèrent la solitude, et dans leur rencontre avec les autres, qu'il s'agisse d'une femme, d'un enfant, d'un pote déglingué ou d'un radio amateur paranoïaque, ils composent avec leurs contradictions et tentent de s'adapter, même si Vivre fatigue, pour reprendre un titre de Jean-Claude Izzo.

Pike et Cry Father se rangent à côté des nombreux romans sur les prolétaires de l'Amérique, dans un décor de quartiers miséreux où l'on entre plus au bar qu'à l'Eglise. Mais ils ne sont pas d'énièmes romans sur le sujet, car l'auteur fait preuve de la nuance indispensable pour maintenir ses personnages en équilibre et pour faire ressentir la douleur et la complexité des êtres.

Et pour compléter tout ça, n'hésitez pas à lire son blog et ses textes, et son souvenir musical recueilli par Duclock.

Benjamin Whitmer, Cry Father, Gallmeister, 2015, 320 p., 16,50 € - Traduit de l'américain par Jacques Mailhos

Caroline de Benedetti
 
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