À mettre au pied du sapin

mardi 22 décembre 2009

À défaut d'une grande liste, Les Fondus s'y collent pour vous livrer quelques suggestions. Des romans surprenants en cas de panne d'idées à la veille de cette période de fêtes.

Les salons polar ressemblent un peu à des foires, avec un bon côté : rencontrer un auteur et prolonger le plaisir d'une lecture. Ce qui s'est produit avec Joseph Incardona en novembre dernier à Lamballe. Il a séduit tout le monde avec Remington, un roman lu d'abord avec facilité, presque indifférence, avec qu'il ne prenne un ton résolument noir et assez imprévisible. Être surpris par un livre, ça n'arrive pas tous les jours. On a plus souvent l'occasion de pester - non je ne dirais rien sur le dernier Franck Thilliez, très intéressé par ce qui se passe dans le cerveau humain et justement, lisez plutôt Inversion, de Brian Evenson, immersion puissante dans l'esprit d'un jeune pris de déséquilibre, impossible d'en dire plus ! Enfin le gros coup de coeur vient de chez Marc Pellacoeur (déjà ce nom, tout un programme) avec Aux vents !, qui sur fond de meurtre nous parle au plus près et avec tant de justesse de la simple difficulté de vivre. Quand fond et forme réalisent des merveilles...

Il y a peu sur Pol'art Noir le Forum on se posait la question de l'état des lieux du polar francophone. Dans cette optique je me suis dit qu'il était temps de lire Anaisthêsia d'Antoine Chainas. C'est un roman dans un monde un peu décalé, comme projeté dans un univers un peu plus sombre... La société que décrit Anaisthêsia est un peu poussée, un chouïa décalée, un peu fantasmée (ou cauchemardée), un mélange entre l'Europe et les USA. Un genre d'anticipation rétroactive (je ne sais pas comment dire). C'est d'ailleurs un côté du roman que je trouve bien réussi, c'est un peu comme chez Shakespeare. Je causerai prochainement de ce roman dans L'Indic, mais sachez d'ores et déjà qu'il me semble bien qu'il y ait un souffle et un ton qui parcourent la chose. À lire assurément pour une plongée dans le noir de chez noir.

Plus Série Z et léger avec ce bon vieux thème du type qui tombe en panne de voiture dans un coin paumé avec une histoire d'amour qui se profile à l'horizon, je vous conseille le Louisiana Breakdown de Lucius Sheppard accompagné de quelques morceaux de Dire Straits et Bruce Springsteen avec du cajun et zydéco. Un roman fantastique (dans le sens du genre) et noir dont on ne sera pas sans reparler par ailleurs.

Et comme troisième cartouche, les livres comme les roses, s'offrent de manière impaire. Un bouquin que je n'ai pas encore lu - d'un auteur dont les bonnes nouvelles ont un temps hanté le forum de Pol'Art Noir - vient de sortir chez Ecorce : Retour à la nuit d'Eric Maneval pourrait bien être du bon.

Joseph Incardona, Remington, Fayard Noir, 2008
Brian Evenson,
Inversion, 10/18, 2008
Marc Pellacoeur,
Aux Vents !, À plus d'un titre, 2009
Antoine Chainas
Anaisthêsia, Gallimard Série Noire, 2009
Lucius Sheppard, Louisiana Breakdown
Eric Maneval, Retour à la nuit, Ecorce, 2009

Avec Locus Solus c'est Noël en novembre

jeudi 5 novembre 2009

On aime beaucoup la richesse du site Locus Solus. En lisant le texte ci-dessous vous comprendrez pourquoi. Merci pour ce partage, monsieur Th !

Je ne parlerai pas de Hammett, Chandler, Thompson, Ellroy, Malet, Manchette, etc., etc., ni même de deux de mes chouchous, Donald Westlake et Marc Behm (1). De deux choses l’une si vous fréquentez Fondu au noir : ou bien vous les avez lus, ou bien ils sont déjà sur vos listes. Je ne citerai guère de titres récents non plus, d’une part parce que je lis moins de polars qu’autrefois (ça va par phases, ça reviendra), et d’autre part parce que je m’approvisionne essentiellement dans les brocantes.

Depuis Charles Williams, le polar chez les ploucs est devenu un sous-genre en soi. Situé dans le Tennessee rural, Je suis un sournois de Peter Duncan (Série noire) porte bien son titre puisqu’on se demande à tout moment si son narrateur, policier fourbe et bigot, est réellement le bon apôtre qu’il prétend être ou s’il se fout de nous. Tout aussi boyautant, La bouffe est chouette à Fatchakulla de Ned Crabb (Folio policier) nous transporte dans un trou perdu de la Floride profonde et superstitieuse, peuplée de tarés consanguins, d’hurluberlus pittoresques et d’un inquiétant bestiaire. L’intrigue est en outre émaillée de références décalées à Sherlock Holmes, on ne peut plus incongrues dans le contexte. Plus sérieux, La chaire est faible de Michael Hinkemeyer (Série noire) est l’œuvre d’un artisan capable comme on les aime : religiosité et corruption dans un bled du Minnesota, la famille du pasteur abattue à coups de fusil, de présumés coupables qui arrangent tout le monde à la veille des élections et un shérif en fin de carrière qui n’a plus rien à perdre.

Le monde moderne, en tant qu’il est dominé par le spectacle, a inspiré nombre d’excellents livres. On tue aussi les anges de Kenneth Jupp (Série noire) mériterait une réédition. Quand bien même elle date du début des années 1980, la peinture du show-biz californien n’y a pas pris une ride, grâce à une écriture blanche qui orchestre un jeu savant de rimes et de reflets faisant écho à une vacuité fondamentale. Il y a la victime d’un viol atroce enfermée dans le mutisme, une rock-star au physique angélique, et le tout s’achève en tragédie glacée. Plus près de nous, Porno Palace (Rivages), le plus réussi des romans de Jack O’Connell, propose une fascinante architecture baroque en forme de labyrinthe onirique. Dans une ville en état de déliquescence avancée se dresse une salle de cinéma monumentale datant de l’âge d’or hollywoodien, reconvertie dans le porno à prétention artistique par un caïd qui se prend pour le Von Stroheim du hardcore. Autour ce palace rococo excitant diverses convoitises gravitent une demi-douzaine de personnages reliés à leur insu les uns aux autres. À travers leurs parcours croisés, O’Connell interroge notre rapport à l’image, source de voyeurisme morbide et marchandise par excellence de notre temps, objet de trafics et de manipulations, haut lieu enfin de résonance fantasmatique.

À propos d’intrigues entrecroisées, il paraît que les romanciers-de-la-rentrée ont découvert cette année les charmes du « roman choral », comme on dit à présent. Ma foi, il y a des années que les polareux pratiquent la chose sans le clamer sur les toits. Voyez par exemple Libres Sévices de Deanne Barkley (parcours croisés de divers protagonistes autour d’une autoroute sillonnée en tous sens par un tueur fou ; Série noire) ; ou encore Toutes peines confondues d’Andrew Coburn (Rivages). Classiques mais solides, avec un talent réel pour installer une atmosphère et suggérer des non-dits par la stricte description des comportements.

Jean-François Vilar semble avoir disparu de la circulation et c’est bien dommage. Histoire d’un commando très spécial fomentant ses méfaits par référence à l’œuvre de Duchamp, C’est toujours les autres qui meurent (Babel) imposa le personnage de Victor Blainville, photographe nonchalant et flâneur de Paris dont il affectionne les recoins secrets chargés de mémoire, des passages couverts aux coulisses du Musée Grévin. Ses enquêtes suivantes réveillèrent les fantômes de l’Histoire : Paris de la Révolution (les Exagérés, le plus beau de tous, Points-Seuil), Paris des réfugiés latino-américains (Bastille Tango, Babel), Paris des surréalistes et des militants politiques des années 1930 (Nous cheminons entourés de fantômes aux fronts troués, Seuil, « Fiction et Cie »). Autant de jeux de pistes entre passé et présent sur lesquels plane une étrange mélancolie.

L’Histoire court aussi en filigrane dans les aventures de Horatio Cassidy, narrées par l’excellent John Crosby. Ex-agent de la CIA devenu professeur, à la fois érudit et homme d’action, ce franc-tireur anticonformiste puise régulièrement dans ses connaissances en histoire antique et médiévale des leçons de stratégie pour mener à bien les guerres contemporaines. Les péripéties ne reculent pas devant l’énormité, le ton est caustique et cinglant, c’est tout à fait jubilatoire. Quatre titres chez 10/18 : le Clou de la saison, Pas de quartier, À la volée, Tu paies un canon ? (plus faible, celui-ci).

Au rayon des OPNI (objets polaresques non identifiés), on ne loupera pas la Mort en gros sabots de John Franklin Bardin (Joëlle Losfeld), qui démarre dans la pure démence cauchemardesque, puis se recentre plus sagement sur une histoire d’amnésie, sans perdre néanmoins sa qualité onirique, à quoi s’ajoute même quelque chose de poignant. Bardin n’a malheureusement pas réitéré ce coup de maître dans Qui veut la peau de Philip Banter ?, dont le point de départ est excitant mais la résolution décevante.

Une poignante mélancolie plane aussi sur le beau Sylvia d’Howard Fast (Rivages). Parce que l’enquêteur y tombe amoureux de la mystérieuse inconnue dont il reconstitue le passé avant de la rencontrer dans la réalité, on songe à Laura de Preminger, et c’est tout dire.

Au rayon humour noir, on goûtera On tue et tu paies de Barbara Paul (Série noire), ou la traque d’un tueur à gages au modus operandi non-orthodoxe (d’abord, je tue X dont Y rêve de se débarrasser, ensuite j’envoie la facture à Y en le menaçant du pire s’il refuse de casquer), doublée d’une sombre histoire de plagiat littéraire. Et l’on n’oubliera pas les nouvelles de Stanley Ellin, orfèvre du genre, aux chutes incomparables et souvent vertigineuses (quatre recueils au Masque, dont les deux meilleurs sont le Compagnon du fou et la Dernière Bouteille).

Les whodunit n’ont peut-être pas droit de cité sur un site consacré au genre noir. Alors vite, vite en terminant, écrivons que Pierre de lune de Wilkie Collins (Phébus) est un chef-d’œuvre inoubliable avec une passionnante construction à points de vue multiples ; qu’on ne saurait décemment mourir avant d’avoir lu Chesterton (les Enquêtes du père Brown, Omnibus, et puis toutes ses nouvelles non-policières itou) ; que Nicholas Meyer est le meilleur des innombrables continuateurs de Conan Doyle (la Solution à Sept pour cent, l’Horreur du West End), et Claude Aveline un remarquable styliste (Suite policière, Mercure de France) ; que l’Affaire Manderson d’E.C. Bentley (Le Masque) est un whodunit classique pourvu d’un ingénieux dénouement à triple détente ; que Trois Détectives de Leo Bruce (Le Masque) et L’Invisible Monsieur Levert de John Sladek (Red Label) sont de savoureux pastiches ; qu’on ne regrettera pas d’emporter sur la plage le Secret de la bande élastique de Rex Stout (Rivages) et les enquêtes de Charlie Chan (Earl Derr Biggers, Bouquins-Laffont) ; et que Mildred Davis a réussi un livre diablement insidieux avec Crimes et Chuchotements (Rivages).


1. Parmi ces grandes figures, une exception tout de même en faveur de John MacDonald, parce qu’il me paraît un peu négligé aujourd’hui. La Foire d’empoigne, les Énergumènes, Dans les plumes (très hammettien), la Tête sur le billot (meurtre chez les cadres, une vision prémonitoire de l’entreprise moderne), Strip-Tilt (et son gadget à arrêter le temps, sujet qui a inspiré aussi le désopilant Point d’orgue de Nicholson Baker, qui n’est pas un polar), de même que ses quatre recueils de nouvelles publiés chez Rivages, méritent le détour. Tant qu’à y être, faites une petite place à un bon continuateur de Chandler, Howard Browne (À la schlague, Série noire).

La liste de lectures :

Je suis un sournois, Peter Duncan, Gallimard Série noire, 1993,
5 ,95 euros, 200p.
La bouffe est chouette à Fatchakulla, Ned Crabb, Folio policier, 2008, 6 euros, 266p.
La chaire est faible, Michael Hinkemeyer, Gallimard Série noire, 1979, 4,80 euros
On tue aussi les anges, Kenneth Jupp, Gallimard Série noire, 1981
Porno Palace, Jack O’Connell, Rivages Noir, 2001, 10,40 euros
Libres Sévices, Deanne Barkley, Gallimard Série noire, 1979, 4,80 euros
Toutes peines confondues, Andrew Coburn, Rivages Noir, 1992, 9 euros, 334p.
C’est toujours les autres qui meurent, Jean-François Vilar, Babel Noir, 2008, 7,50 euros, 259p.
Les Exagérés, Jean-François Vilar, Points-Seuil, 1990, 351p.
Bastille Tango, Jean-François Vilar, Babel, 1999, 8,50 euros, 369p.
Nous cheminons entourés de fantômes aux fronts troués, Jean-François Vilar, Seuil,
« Fiction et Cie », 199321,10 euros, 475p.
Le Clou de la saison, Pas de quartier, Tu paies un canon ?, À la volée, Tu paies un canon ?, John Crosby, 10/18
La Mort en gros sabots, John Franklin Bardin, Joëlle Losfeld, 2000, 10 euros, 196 p.
Sylvia, Howard Fast, Rivages Noir, 1990, 8,40 euros, 295p.
On tue et tu paies, Barbara Paul, Gallimard Série noire, 1987, 5,95 euros, 281p.
Le compagnon du fou et La Dernière Bouteille, Stanley Ellin, Le Masque, 1989
Pierre de lune, Wilkie Collins, Phébus, 1998, 12,04 euros, 507p.
Les Enquêtes du père Brown, Chesterton, Omnibus, 2008, 28 euros, 1203p.
La Solution à Sept pour cent, l’Horreur du West End, Nicolas Meyer
Suite policière, Claude Aveline, Mercure de France, 1987, 951p.
L’Affaire Manderson, E.C. Bentley, 1996, Le Masque, 252p.
Trois Détectives, Leo Bruce, Le Masque
L’Invisible Monsieur Levert, John Sladek, Red Label
Le Secret de la bande élastique, Rex Stout, Rivages Mystère, 1988, 6,50 euros, 220p.
Les enquêtes de Charlie Chan, Earl Derr Biggers, Bouquins-Laffont, 1993, 21,19 euros, 1214p.
Crimes et Chuchotements, Mildred Davis, Rivages Mystère, 1995, 17,95 euros, 227p.

Stéphane Beauverger dans L'Indic n°4

mercredi 4 novembre 2009

R.J. ELLORY dans L'Indic n°4

mercredi 28 octobre 2009

Le Vent Sombre d'Octobre

mardi 29 septembre 2009

Son site se démarque des nombreux blogs polars par le soin critique apporté à ses différentes chroniques et à l'étude approfondie qu'il effectue pour chaque cycle auquel il s'attaque. Sa sélection nous intéressait donc fortement.

Sur Le Vent sombre (LVS), je parle assez peu des nouveautés, seulement des services de presse que l'on me fait parvenir puisque je n'achète que rarement des romans. Comme je les traite sans aucune complaisance et que les éditeurs ne sont pas masochistes, cela doit expliquer sans doute la raréfaction des envois. Mais je n'ai pas vocation non plus à faire vendre des bouquins.

Voici donc une sélection parmi mes dernières lectures :

Les villas rouges d'Anne Secret, au Seuil (2009), est un roman assez différent pour attirer le regard. L'histoire de l'errance d'une femme commencée bien avant le motif criminel qui ouvre le récit. Nous devons accepter de la suivre dans le vide de ces jours sans but et sans amour, dans un rapport au réel qui ressemble à de l'insignifiance et qui donne au lecteur peu à lire et beaucoup à imaginer.

Poussière tu seras de Sam Millar chez Fayard noir (2009) est un premier roman d'une noirceur totale. Ses quarante-quatre courts chapitres flirtent avec le fantastique et l'épouvante pour nous conter une enfance détruite. Des ténèbres poisseuses et sans espoir, et la laideur de l'homme, toujours et encore.

La vieille dame qui ne voulait pas mourir avant de l'avoir refait de Margot D. Marguerite, paru à la Manufacture de Livres (2009), est également un premier roman. Une écriture forte, excessive, pour nous conter l'expédition vengeresse menée par une vieille militante anti-fasciste contre les malfrats qui ont prostitué puis assassiné sa petite-fille. Une histoire de fidélité qui s'oppose à un monde de trahisons et de luttes entre truands, sous le regard complice de politiques corrompus.

Les Brumes du passé de Leonardo Padura, chez Métailié (2009), est une réédition récente en petit format d'un livre publié il y a deux ans. Padura est un romancier et essayiste tout à fait passionnant, qui joue magnifiquement des contraintes existant à Cuba pour parler de ce qui se passe dans l'île, dans des livres profondément métaphoriques. Les ambiances recrées ici par son écriture sensuelle et mélancolique sont tout à fait convaincantes, le questionnement sur le devenir de son peuple aigu et douloureux. A lire également, toujours chez Métailié, la tétralogie des Quatre saisons, qui introduit Mario Conde, le héros de Padura.

J'ai passé mon été en compagnie de James Sallis et de son héros Lew Griffin, dont les six romans sont parus à La Noire (Gallimard) entre 1997 et 2005. Comme pour Padura ci-dessus, je consacre d'ailleurs un cycle complet d'étude à cette œuvre sur LVS. Du Faucheux à Bête à bon Dieu en passant par le chef d'œuvre qu'est Le Frelon noir, James Sallis joue avec le temps et la mémoire, dans des variations vertigineuses entre réalité et fiction, illustrant toute la puissance créative de l'écrit. Il propose ainsi une profonde réflexion sur l'identité, du Noir américain et de l'écrivain, qui est aussi un formidable hommage à Chester Himes. Un must pour vous si vous acceptez que le roman noir soit autre chose que de redondantes histoires criminelles.

Également recommandés, parce que s'écartant des sentiers battus stylistiques et narratifs, les trois romans de l'Autrichien Wolf Haas (Quitter Zell, Vienne la mort, Silentium !) chez Rivages : drôles, décapants, noirissimes. Ajoutons pour faire bonne mesure les romans du Finlandais Matti Yrjänä Joensuu (Harjunpää et le fils du policier, Harjunpää et l'homme-oiseau, Harjunpää et le prêtre du mal) tous parus à la Série Noire entre 1983 et 2003. Cet auteur ne bénéficie pas sur le Web du battage entourant d'autres scandinaves alors qu'il est pourtant bien plus intéressant qu'eux, tant dans ses thématiques que dans son écriture.

Enfin, relu avec gourmandise le Tueur à gages de Graham Greene (1936) chez 10/18 et Le lien conjugal de Jim Thompson (1959) chez Rivages, deux classiques absolument incontournables du roman noir, qui abordent sans y toucher un véritable questionnement moral sur le Bien et le Mal (pour Greene) ou sur la confiance et le bonheur (pour Thompson). Un héritage fabuleux, de plus en plus méconnu des lecteurs de noir qui préfèrent s'extasier, et c'est dommage, sur une production contemporaine standardisée, sans surprises et vide d'enjeux.

La liste de lecture du Vent Sombre :

Les villas rouges d'Anne Secret, Seuil, 2009, 17,50 euros, 189 p.
Poussière tu seras de Sam Millar, Fayard noir, 2009, 19 euros, 302 p.
La vieille dame qui ne voulait pas mourir avant de l'avoir refait de Margot D. Marguerite, La Manufacture de Livres, 2009, 22,90 euros, 510 p.
Les Brumes du passé de Leonardo Padura, Métailié, 2009, 12 euros, 351 p.
Faucheux, Bête à bon Dieu, Le Frelon noir de James Sallis, Gallimard La Noire
Quitter Zell, Vienne la mort, Silentium ! de Wolf Haas, Rivages
Harjunpää et le fils du policier, Harjunpää et l'homme-oiseau, Harjunpää et le prêtre du mal de Matti Yrjänä Joensuu, Gallimard Série Noire
Tueur à gages de Graham Greene, 10/18, 317 p.
Le lien conjugal de Jim Thompson,
Folio Policier, 2002, 5, 50 euros, 251 p.

Le cri du coeur de la rentrée

mardi 15 septembre 2009

Chez Article XI ils traitent plein de sujets, dont la littérature avec dernièrement Brautigan ou encore Pancho Villa et Taibo II sous la plume du chroniqueur JBB. Nous lui avons demandé une liste, qui s'est transformée en hymne à un auteur comme vous allez le voir...

La classe ouvrière dans ta face

Tu vas voir, il en est qui couineront comme des porcinets qu'on égorge. Des autoproclamés gardiens du temple n'acceptant que la poussière des années et l'agrément du cénacle pour reconnaissance de la valeur littéraire, empêcheurs d'aimer en rond et de sacraliser en paix. Tu vas voir - aussi - qu'il s'en trouvera pour contester au bonhomme l'appellation "roman noir". Les mêmes - sans doute - ont rédigé la notice Wikipédia de King, si succincte qu'elle confine au sabotage : "John King est connu pour son refus de l'establishment littéraire, y lit-on après sa date de naissance (1960) et une phrase pour citer ses bouquins, sa posture 'populiste' ou 'populaire' selon les avis, son intérêt pour la classe ouvrière et son goût pour les sujets originaux (mouvement punk, hooliganisme…)." Cinq lignes, cas expédié, affaire réglée.

Une posture "populiste" ou "populaire" ? Mon cul !, répondrait l'auteur. John King est la classe ouvrière anglaise, voilà tout, celle qui s'est faite thatchériser par Margaret comme par les tartuffes de la gauche libérale, qui n'a jamais un rond sur son compte en banque, enchaîne les boulots merdiques et surnage d'expédients dans des banlieues grisâtres. John King écrit les laissés-pour-compte-de-tout-solde, pauvres, brutaux et racistes, beaucoup moins joyeux que les Irlandais de Roddy Doyle, moins drogués et envâpés que les personnages d'Irvine Welsh. Ceux qui boivent beaucoup. Se battent énormément. Baisent, de temps en temps et ce n'est jamais génial. Et survivent, tout juste. Reste le foot, leur truc, passion, identité, jusqu'à ce qu'on leur vole, prix des places atteignant des hauteurs stratosphériques, clubs se négociant en bourse et petits branleurs de la City s'arrogeant les tribunes.

Que je te dise : le foot, je n'aime pas. Mais le football de King, ces prolos qui attendent le week-end pour dévaster les stades, défoncer les supporteurs adverses et déverser leur haine sur un pays qui n'a cessé de les repousser davantage dans les limbes, je respecte. Pas que je goûte la violence, hein. Mais juste : King dit combien les hooligans anglais, déclassés à qui on a tout piqué même l'honneur, n'ont guère d'autre moyen de cracher leur haine pour le système que d'affûter les battes et manier les couteaux. Dans Football Factory, La Meute et Aux Couleurs de l'Angleterre (trilogie autour du foot et du hooliganisme, parue aux éditions de l'Olivier), ils se battent, à cent contre cent ou cent contre un, se fixent rendez-vous pour combattre ou se remettent de la baston : rien d'autre ne compte, sinon la bière. C'est débile ? Pis encore, mais c'est ainsi. Et il n'est personne pour l'écrire mieux que King, un style de tronçonneuse nourrie aux amphétamines, des phrases tranchantes comme des cutters balancés en pleine face et une posture exempte de tout mépris ou commisération. Sauvage et vrai.

Voilà. Je te parlerais bien aussi de Human Punk, autre des bouquins de John King publiés en France, mais je crains d'avoir fait long, déjà. Sache juste qu'il est un peu plus joyeux, un chouïa moins sombre et surtout moins violent, centré sur la musique et non sur le foot. King se boboiserait ? Je n'en sais rien. Et pour être honnête : je m'en fiche. Le seul truc qui compte, c'est que ça déchire toujours autant du steak.

La liste de lecture de JBB :

John King, TOUT !

En août, c'est Zelig qui s'y colle

mercredi 12 août 2009

Nous avons croisé son blog sur la Toile, il parle polar mais pas que et ça nous a plu ; alors Zelig a la parole pour présenter les romans qu'il aime.

La rentrée littéraire approchant, il est temps de faire le point sur les incontournables parus depuis le mois de septembre dernier. La cuvée 2008-2009 fut riche en polars d'exception, et il serait dommage de passer à côté des perles que je vais vous présenter, sous prétexte qu'elles ne sont plus des nouveautés. En outre certains titres vont très prochainement sortir en poche, donc cette modeste liste reste toujours d'actualité.

Tout d'abord je ne parlerai pas d'auteurs reconnus ou trop célèbres, non pas parce qu'ils ne le méritent pas, mais tout simplement parce qu'ils n'ont plus besoin d'être présenté et défendu. Je ne chercherai pas non plus à vous parler de livres totalement inconnus au bataillon, sous prétexte de jouer les découvreurs de talent. J'ai lu beaucoup de romans cette année, notamment des policiers, par plaisir évidemment mais aussi pour des raisons professionnelles (libraire oblige), et donc pour cette liste, je ne relèverai que ceux qui m'ont sincèrement marqué ou ému, bref ceux qui m'ont procuré un vrai bonheur de lecture.

C'est parti, on commence avec le choc de l'année en ce qui me concerne : La griffe du chien, de Don Winslow (grand format chez Fayard et disponible en poche en points seuil). C'est une fresque époustouflante, remplie de personnages inoubliables et construits à la perfection, qui raconte trente ans de lutte anti-drogue au Mexique par la DEA américaine. C'est un chef d'oeuvre absolu, riche, violent, cruel, émouvant, pour moi aussi marquant sur le plan littéraire qu'un film comme Il était une fois en Amérique l'est pour le septième art. Du niveau de La Compagnie de Robert Littell, La griffe du chien est à lire obligatoirement. Sorti en janvier, le dernier de Don Winslow, L'hiver de Frankie Machine (éditions du Masque) est aussi un très bon cru. Moins ambitieux, il reste un excellent polar, très cinématique encore une fois, qu'on pourrait cette fois comparer aux Affranchis de Scorsese.

(Attention Spoiler) La suite-épilogue de Citoyens clandestins de D.O.A, Le serpent aux mille coupures, bien qu'un peu courte, se lit très facilement et on a beaucoup de plaisir à retrouver Lynx, le personnage principal de son précédent roman. D.O.A a du talent, du style, et bien qu'un peu machos et caricaturaux par moment, ses deux derniers polars sont très jouissifs et addictifs. J'attends avec impatience son prochain opus ! (Citoyens Clandestins est à lire en premier, il est disponible chez Gallimard Série Noire et en Folio Policier, plus récent Le serpent aux Mille coupures n'est que chez Gallimard Série Noire pour l'instant.)
La rédemption du marchand de sable de Tom Piccirilli, éditions Denöel Lunes d'encre, est un triller machiavélique, à fort suspense, qui met en scène un homme qui ira jusqu'aux portes de la folie pour traquer et débusquer l'assassin de sa fille. Pas fantastique pour un sou (ne vous fiez pas à la collection), c'est toutefois un polar étrange, barré même et non dénué d'humour, qui n'est pas sans rappeler Dragon Rouge de Thomas Harris dans le traitement psychologique et mental de la traque du tueur. Très tendu, malheureusement passé inaperçu dans les médias, en raison sans doute de la collection, ce thriller est très efficace et sort des sentiers battus.

Fakirs, d'Antonin Varenne (un nouvel auteur que lance Viviane Hamy, dans sa collection Chemins nocturnes, connue pour héberger Fred Vargas), est un polar ovni, à mi-chemin entre Mo Hayder, David Lynch, Marcus Malte. Très noir, baroque, ce livre ne vous laissera pas indifférent et je suis près à parier qu'on risque de reparler de cet auteur très prochainement tellement le talent et l'originalité sont au rendez-vous. La révélation française de l'année.

Flic à Hollywood et sa suite plus récente Corbeau à Hollywood sont deux petits bijoux inratables si vous êtes de grands lecteurs de polars. On est ici dans le roman policier réaliste, on y suit les mésaventures des simples flics de patrouille à Los Angeles (l'auteur Joseph Wambaugh s'inspire notamment de son quotidien d'ancien sergent de police), lesquelles oscillent entre crudité brutale et violente, et blagues de potaches à la fois anecdotiques et délirantes. Noir et drôle, un sacré cocktail de personnages, où les truands ne sont pas très intelligents et les flics politiquement incorrects. Vraiment c'est à découvrir, d'autant que Flic à Hollywood est désormais disponible en Points seuil, sa suite (mais qu'on peut lire indépendamment) est elle au Seuil Policiers.

Seul le silence, de R.J. Ellory, paru aux éditions Sonatine, est un grand roman noir, et même un grand roman américain tout court. L'écriture est magnifique, poétique, les personnages sont touchants et crédibles, et le suspense reste présent durant tout le livre, jusqu'à la dernière page ! C'est remarquable, éblouissant, j'y pense encore assez souvent tellement ce polar m'a marqué. Indispensable voilà tout ! A noter qu'il sort au Livre de poche au mois de septembre.

Toujours chez Sonatine, j'ai beaucoup aimé Au-delà du mal, de Shane Stevens, un auteur assez mystérieux dont on est sans nouvelles depuis des années. Polar américain culte des années 70, jamais traduit jusqu'à ce jour en France pour des raisons de droits, ce thriller glacé vaut surtout par sa dimension historique. Ce fut en effet l'un des livres qui marqua bon nombre d'auteurs de polars célèbres (comme Ellroy par exemple) ou bien dans un autre genre Thomas Harris ou Stephen King. Et on ressent bien cela en lisant ce livre, car on y retrouve toutes les pièces fondamentales du thriller moderne et psychologique, qui base sa trame sur la traque d'un tueur en série. Avec une bonne dose de cynisme en plus. Malgré tout il reste un peu trop long et bavard par moment, ce qui peut lasser sa lecture, il a ce que j'appelerai un côté un peu « mal vieilli », et ne risque donc pas de faire l'unanimité. Néanmoins je continue de le défendre, d'une part pour saluer l'effort des éditions Sonatine qui s'est battu pour faire traduire et publier ce monument du polar, d'autre part parce qu'il est intéressant parfois d'aller aux sources d'un genre, et incontestablement, Au-delà du mal est l'une des pierres angulaires du thriller contemporain.

Plus léger, sacrément drôle, bougrement bien écrit et traduit, attachant, humain et empreint de sagesse indienne (Cheyenne même !), voici la petite perle des éditions Gallmeister : Little Bird. Ce roman policier est un petit chef d'oeuvre, un condensé de toutes les qualités qu'on attend lorsqu'on ouvre un livre. Si l'intrigue est bien ficelée et réserve son lot de surprises, j'ai surtout été touché par les personnages, qui, du plus secondaire au principal, sont tous admirablement décrits. L'humour, omniprésent du début jusqu'à la fin, s'efface parfois pour des passages plus introspectifs ou mélancoliques, si fait qu'on ne se lasse jamais du style ni du livre. J'ai eu la chance de rencontrer l'auteur, Craig Johnson, un colossal cow-boy capable de vous briser la colonne vertébrale en vous donnant une tape amicale dans le dos, et je peux vous certifier qu'il est aussi attachant que ses personnages. Tout public, Little Bird n'est pas passé inaperçu à sa sortie et c'est bien mérité, on attend la suite des aventures du shérif Longmire avec une grande hâte !

Je terminerai avec l'un des livres les plus acclamés de l'année, à savoir Un pays à l'aube, de Dennis Lehane, aux éditions Rivages noirs. Je ne m'attarderai pas longtemps sur lui, j'ajouterai juste, humblement, que oui, ce livre est un sacré roman, un chef d'oeuvre qui se passe de commentaires. Et même si ça n'est pas un polar à proprement parler, Lehane confirme avec ce roman (si tant est qu'il en avait besoin) qu'il est avant tout un grand de la littérature américaine contemporaine.

Voilà pour cette sélection, si vous souhaitez avoir un peu plus de détails sur certains titres, vous pouvez allez jeter un oeil sur mon blog http://zelig.zeblog.com/ et consulter les archives. En attendant les nouveautés de la rentrée, bonne fin d'été à tous et bon rattrapage pour ceux qui sont en retard de lecture !


La liste de lecture de Zelig :

Don Winslow, La griffe du chien, Fayard Noir réédition Points Policier 2008, 9 euros, 826 p.
DOA, Le serpent aux milles coupures, Gallimard Série Noire, 2009, 15,90 euros, 216 p.
Tom Piccirilli, La rédemption du marchand de sable, Denoël Lunes d'encre, 2009, 22 euros, 336 p.
Antonin Varenne, Fakirs, Viviane Hamy Chemins Nocturnes, 2009, 17 euros, 283 p.
Joseph Wambaugh, Flic à Hollywood, Seuil réédition Points Policier, 2009, 7,80 euros, 424 p.
RJ Ellory, Seul le silence, Sonatine, 2008, 22 euros, 504 p.
Shane Stevens, Au-delà du mal, Sonatine, 2009, 23 euros, 767 p.
Craig Johnson, Little Bird, Gallmeister, 2009, 23,90 euros
Dennis Lehane, Un pays à l'aube, Rivages Thriller, 2009, 23 euros, 759 p.

En juillet, les recommandations de Julien Védrenne

vendredi 26 juin 2009

Pour cette troisième liste de lecture, nous avons sollicité Julien Védrenne, rédacteur en chef de l'excellent site K-Libre. Il nous a mijoté une spéciale Dashiell Hammett.


« Si je devais lutter contre le communisme, je ne pense pas que je le ferais en permettant aux gens de lire un quelconque livre. »
Dashiell Hammett, 1954

Dashiell Hammett est l’un des rares auteurs que je relis régulièrement avec la même jouissance. La qualité de ses intrigues, ses personnages fouillés, son approche critique et sociale, et son écriture aussi concise que fluide, en font un des écrivains majeurs du XXe siècle.

Moisson rouge
Lors de ma dernière lecture de Moisson rouge (Red Harvest, 1929), j’ai pu découvrir la nouvelle traduction intégrale, réalisée pour grande part par Natalie Beunat, la plus fidèle du culte Hammett en France (et peut-être dans le monde).

« J'ai assisté à une conférence de paix d'où devraient découler au moins une douzaine d'assassinats. » (Moisson rouge)

Dans Moisson rouge, un privé est engagé pour éradiquer la corruption d’une ville (qui pourrait être San Francisco). Pour se faire, il va monter les criminels les uns contre les autres, provoquant un bain de sang d’autant plus effroyable que, par ses actes, il va sciemment condamner des innocents, et par là même perdre toute notion de conscience. Comment ne pas voir une des facettes de Dashiell Hammett dans ce détective ?

Hammett
Hammett justement. Celles et ceux qui ne le connaissent pas doivent se plonger avec délectation dans le roman Hammett, écrit par Joe Gores en 1975, et dans lequel l’écrivain reprend du service en tant que détective (il a travaillé pour la fameuse agence Pinkerton). La trame doublement intéressante est à la fois un hommage à son œuvre, Hammett la traverse, la transperce, l’honore, et pose l’éternelle question « est-ce le détective qui a fait le romancier ou le romancier qui a fait le détective ? ».

Dashiell Hammett, mon père
Si on veut en savoir plus sur cet étrange personnage, rien de tel que les souvenirs de sa fille cadette, Jo Hammett (dans Dashiell Hammett, mon père - Dashiell Hammett : A Daughter Remembers, 2001). Ils sont là pour nous éclairer et porter un autre regard sur sa relation avec Lilian Hellman, qui fut sa dernière compagne. Tuberculose, alcoolisme, chasse aux sorcières, maîtresses, égoïsme, fuite, panne sèche… tout est passé en revue.

Interrogatoires
Chasse aux sorcières, Maccarthisme. Il en est question dans le tout petit livre des éditions Allia, Interrogatoires (Shadow Man, The Life of Dashiell Hammett, 1951-54). Retranscriptions de trois témoignages de Dashiell Hammett devant ses juges. La lecture est difficile, mais elle ne peut que rendre Hammett sympathique, surtout lorsqu’il est confronté à l’archange de la Guerre froide, le Saint-Just de la chasse aux sorcières, Joseph MacCarthy, himself. Il ne manque alors pas de cette dose de courage inconscient, d’impertinence et de répartie âpre. Dashiell Hammett est définitivement un génie humain et littéraire !

Précis bibliographique
Dashiell Hammett, Moisson rouge, Gallimard « Série noire », 2009, 284 p. – 18,50 euros
Joe Gores, Hammett, Folio policier n°550, 2009, 392 p. - 7,60 euros
Jo Hammett, Dashiell Hammett, mon père, Rivages/Noir n°736, 2009, 192 p. – 7,50 euros
Dashiell Hammett, Interrogatoires, Allia, 2009, 96 p. – 3 euros

En mai, les conseils de chez Noirs Desseins

vendredi 1 mai 2009

Merci à Cynic de nous avoir concocté cette sélection. Et pour en retrouver d'autres, allez visiter Noirs Desseins plein de pistes intéressantes tant au niveau romans que films et musique.

Je me prête de bonne grâce à ce petit exercice que m'a gentiment proposé Caroline. Tout d'abord, je tiens à dire que je vais essayer d'éviter les « poncifs », du moins le plus possible, les habituelles recommandations que l'on peut trouver sur le genre (à une ou deux exceptions près) comme des renvois à des livres introuvables ou épuisés. J'aime, par exemple, parmi les « stars actuelles » Staalesen, Indridason, Ken Bruen ; parmi les francophones, Pouy, Manotti ou le plus classique Simenon (hors Maigret) mais je n'en parlerai pas.... des styles différents mais un goût prononcé pour autre chose que le policier au sens strict. C'est pour cela que je ne proposerai que du « Noir » et pas de policier d'investigation. Alors, c'est parti...

Je commence avec deux auteurs qui m'ont fait « choisir » le Noir comme genre de prédilection.
Pour moi, le plus grand écrivain de roman noir, c'est incontestablement Jim Thompson. Je trouve qu'il a un style, une gouaille, un sens de l'exploration de ce qu'il y a de plus profond en l'Homme assez subtil. Même si certains de ses ouvrages sont dispensables car un peu bâclés ou pas très bien construits (le bonhomme a écrit aussi pour faire « bouillir la marmite », ce qui explique une certaine quantité de romans secondaires), j'en vois au moins deux me paraissant être représentatifs de ce qu'il pouvait faire : M. Zero et Hallali.
Dans le premier, on est confronté à un héros diminué dans sa virilité, qui part un peu à la dérive. Ce livre représente pour moi le « Thompson analytique » écrivant du policier, noir certes, mais du policier. Pour faire court, bien sûr. Mais mon roman préféré de lui, c'est sans problème Hallali. Douze chapitres, douze narrateurs. Comme autant de visions, de regards différents portés sur un même drame. Là on touche à tout ce que Thompson pouvait et savait faire : une écriture qui s'adaptait aux personnages évoqués, à leurs travers, leurs bassesses (les pages dans lesquelles transpirent le racisme ou les ragots de la petite société étatsunienne sont un modèle du genre plus de 50 ans après...).

Plus proche de nous, dans le temps et l'espace, le génial Robin Cook (ou Derek Raymond outre-manche). Pas celui des thrillers « à l'hôpital » mais celui de l'enquêteur anonyme confronté à la fois à son mal-être, à la douleur de la perte de sa famille et qui essaie toujours d'aller au fond de la réalité des victimes, d'en percer leur mystère. Tant pis si je n'évite pas le cliché, mais véritablement, J'étais Dora Suarez a été un vrai choc, un roman comme on en lit peu, qui vous fait dire « bon sang, mais il y a quelque chose qui se passe là-dedans ».

Deux découvertes récentes, différentes dans leurs styles, leurs propos, leurs enjeux.
Le génial italien Massimo Carlotto dont je choisirai L'immense obscurité de la mort. Deux personnages principaux, un chapitre énoncé par chacun d'eux alternativement, une histoire de vengeance, un voyage au bout de la haine pour l'un, au bout de la rédemption pour l'autre.
L'Islandais Jon Hallur Stefansson et son premier roman Brouillages, mon livre numéro 1 en 2008. Un roman puzzle, une construction alambiquée mais qui ne perd jamais le lecteur (malgré, c'est à souligner, « l'exotisme » des noms islandais), un livre dans lequel les masques tombent et où les apparences cachent bien plus que de petits secrets sans importance, des derniers paragraphes qui mettent à mal nos interprétations.

Une petite recommandation « non roman noir ». Le fabuleux dyptique de Jonathan Coe, Bienvenue au Club et Le cercle fermé. Une autopsie de 30 années d'histoire anglaise à travers les destins croisés, ou pas, de nombreux personnages hauts en couleur, attachants ou détestables, de l'amour, de la haine, de la critique sociale et/ou sociétale raisonnée et dénuée de manichéisme. Un grand roman (j'en parle au singulier même si on en a bien deux tant ils sont indissociables.) 1000 pages à peu près. Un sentiment que tout est dit à la fin, qu'on ne peut rien ajouter comme rien enlever, que l'auteur a fait le tour, que chaque mot compte. Du grand roman, je disais...

La liste de lecture de Cynic :

Jim Thompson, Monsieur Zéro, Série Noire n°1009, Gallimard, 1966, Folio Policier ,2007 / Hallali (traduit de l'américain par Jean-Paul Gratias), Rivages Noir, 1994
Robin Cook, J'étais Dora Suarez, Rivages Noir, 1991 (traduit de l'américain par Jean-Paul Gratias)
Massimo Carlotto, L'immense obscurité de la mort, Métailié, 2006 (traduit de l'italien par Laurent Lombard), Points Roman noir, 2008
Jon Hallur Stefansson, Brouillages, Gaïa, 2008 (traduit de l'islandais par Eric Boury)
Jonathan Coe, Bienvenue au club, Gallimard, 2003 (traduit par Serge Chauvin et Jamila Chauvin), Poche folio 2004 / Le cercle fermé, Gallimard, 2006 (traduit par Serge Chauvin et Jamila Chauvin) , Poche folio, 2007

Les mois d’Avril sont meurtriers…

dimanche 12 avril 2009

Sélection maison par Emeric aka dj duclock

Dans Galatée vous trouverez une méthode de régime amaigrissante pratiquée par les boxeurs, de la passion et du mélodrame. On pardonnera à James M. Cain le passage « louange à Dieu et à la prière » qui parait décalé quant au reste de l'histoire ; le style hard boiled est efficace et c’est du bon Polamour que vous avez là pour affronter le printemps. Plus lourd et pluvieux le Cathi Unsworth « Au risque de se perdre » vous fera tendre l’oreille du côté de la Northern Soul et entrevoir ce qui peut bien se passer dans la cervelle d’un psychopathe. Pour continuer le voyage dans le noir passons à La forêt muette de Pierre Pelot, véritable descente aux enfers dans l’univers du bûcheronnage, du comportement humain, des pulsions et de la folie… Sortons du bois et montons À quai avec Thierry Marignac à bord d’un vieux rafiot sur les flots crasseux de l’Elbe. Pas pour une croisière, oh non, mais pour suivre l’Occidental, le cul coincé entre l’Europe administrative et les demandeurs d’asile en situation « forcément » irrégulière, entassés comme des bêtes sur le « Bibby Kalmar ». Comme disait Robin Cook : Les mois d’Avril sont meurtriers, mais Avril n’est pas encore terminé… il nous reste à nous perdre, en musique, dans le dédale de l’hôpital Necker avec Jan Thirion, parce que je ne sais pas si vous êtes au jus mais John et Yoko sont dans un Hosto.

La liste de lecture du Dj Duclock :

-James M. Cain, Galatée, (traduit de l’américain par S. Lechevrel), Presse de la Cité, 1954.
-Cathi Unsworth, Au risque de se perdre, (traduit de l’anglais par Karine Lalechère) Rivages/ Noir, 2008.
-Pierre Pelot, La forêt muette,Verticales, 1998.
-Thierry Marignac, À quai, Rivages/Noir, 2006.
-Robin Cook, Les mois d’Avril sont meurtriers (traduit de l’anglais par Jean Bernard Piat), Série Noire n°1967, Gallimard, 1984),
-Jan Thirion, John et Yoko sont dans un Hosto, Krakoen, 2008.

L'Indic, noir magazine

vendredi 13 février 2009

Le premier numéro de L'Indic est sorti en mai 2008, tiré à 150 exemplaires. Il rassemble des personnes d'horizons divers, dont le point de vue et la façon d'écrire nous semblaient intéressants. Interviennent ou sont intervenus à ce jour : Claude Baugee, Lionel Bérenger, Clément Bulle, Geoffrey Domangeau, Amélien Loreau, Claude Mesplède, Olivier Titz.

La construction de la maquette s'est faite avec l'aide indispensable de Dominique Tanguy, graphiste. Il a de plus dessiné le personnage de L'Indic, mis en scène à l'intérieur du magazine.

Un dossier thématique central
des articles développant un thème de manière large.

Rubriques
Les 3 questions du dj duclock : interview à base de 3 questions toujours identiques
Sur le grill : interview fleuve !
On connaît la chanson :
Eclats : un roman, un auteur, abordé par un angle spécifique, un détail mis en relief
Scoop : une tribune de découverte
Verdict : les chroniques
Affaires Classées : sortir un auteur ou un livre de chez le bouquiniste
Photo ci-contre : un texte et sa photo associée
Une nouvelle, une poésie, pour faire une place à des textes et leurs auteurs.
Sévices : la partie ludique

Les chroniqueurs interviennent dans la rubrique de leur choix, ils sont libres de se l'approprier ou d'en changer ; nous sommes toujours ouverts à tout nouveau venu souhaitant apporter sa contribution.

L'Indic en vidéo

jeudi 12 février 2009

Cadeau souvenir

vendredi 2 janvier 2009

Très peu d'exemplaires de L'Indic n°1 ont été imprimés.
Aussi, leurs détenteurs sont en possession d'un collector qu'on nous réclame souvent.
À quelques jours de la sortie du numéro 4, nous vous offrons une page de ce premier numéro.
Place au jeu.






Il s'en va...

jeudi 1 janvier 2009















50 numéros, 10 ans d'existence, et le magazine L'Ours Polar s'en va... Voilà une couverture bien triste et en même temps pleine d'espoir et de suspense pour l'avenir : après tout, la tête surnage encore !

Merci à L'Ours de nous avoir passé le relais.
 
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