Back Up, un air connu

dimanche 8 avril 2012


Back Up démarre comme une chronique de jeunesse, celle d’un gosse né en 1945 dont les premiers émois se font au son de Chuck Berry. Puis viennent les années 60, les Beatles, les Stones et  la guerre du Vietnam. Le roman s’adresse à un imaginaire collectif. Soit vous avez vécu à cette époque, soit ses références vous sont familières. 
À cette première trame se greffe une seconde qui fait un bond dans le temps. En 2010, un homme est renversé par une voiture. Depuis son lit où il gît impotent (atteint du Locked-In Syndrom), il se souvient. De chapitre yéyé en chapitre contemporain, par le système du flashback (procédé narratif propre à entretenir le suspense), le lecteur tisse les liens, convié à deviner et comprendre le mystère de ce groupe de rock (Pearl Harbor) dont les membres meurent un à un. Londres et puis l’Allemagne, Eric Clapton et les Who, le LSD et la cocaïne, le rock’n’roll. À moins d’avoir vécu dans une cave, tout cela ne vous est pas inconnu, mieux, au moins l’un de ces groupes (l'une de ces drogues...) vous parle tout spécialement. C’est quasi statistique. Si je vous dis années 60, je vous fiche mon billet que dans votre tête, la drogue, les pattes d’eph’, la musique, le Vietnam clignotent en grand. C’est un peu ce qui me dérange dans Back Up. Ça ressemble à un catalogue assez convenu. Une vitrine avec les joints, la coke, le boeuf entre musiciens, tout ce que vous vous attendez à trouver vu le sujet. C'est guitare et batterie et on se dit pourquoi pas banjo ? Ça manque de contre-allées et de pistes inattendues.

Mais enfin le roman pouvait s'en sortir avec le plaisant portrait de ces jeunes qui grandissent et se cherchent, ou encore l’aspect humain de la souffrance de cet homme dans son lit. Seulement l’auteur ajoute une trame mystérieuse un poil grand-guignolesque. Une explication au drame reposant sur une corde imparable : le complot. Rien d’excessif, juste ce qu’il faut : un enregistrement dans une cave, des soldats qui semblent soudain agir de façon ultraviolente, une bagarre dans un bar, un morceau de musique... Ce manque d’outrance fait que le lecteur est plutôt sensé prendre au sérieux cette théorie assez abracadabrante, alors qu’il aurait fallu la pousser encore plus loin, extrapoler, délirer, faire du Brian Evenson (La confrérie des mutilés, Inversion) du Theodore Roszak (La conspiration des ténèbres) ou encore du Jim Dodge (Stone Junction) pour s’en sortir convenablement. Aucun des ressorts de Back Up (la musique, la mémoire, le complot) ne me semble abouti. La séduction  (car le roman a tout pour) repose sur une façade peu solide, dont l'ultime ridicule sera pour moi l'allusion aux salles de concert sentant l'urine, parce que les filles hystériques y pissaient dans leur culotte face aux idoles. Un phénomène visiblement propre à ces années-là, les salles de concert que j'ai fréquentées ayant toujours senti plutôt la sueur et la clope. Les filles ont dû faire des progrès, être éduquées, ou se mettre à porter des couches.

Caroline de Benedetti

Pour un autre avis on pourra aller voir chez Noirs Desseins.

Paul Colize, Back Up, La manufacture de livres, 2012, 19,90 €, 426 p.

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