L'Invisible de Robert Pobi, cousu de fil blanc ?

vendredi 3 août 2012


Il faudra un jour se pencher sur la présence du tatouage chez les personnages de polar. Le flic du roman de Robert Pobi y figurerait en bonne place. Ancien camé devenu super flic au FBI (je vous passe ses supers caractéristiques psychologiques fouillées genre il a une perception extrême de la scène de crime), il a couvert son corps avec les textes de l'Enfer de Dante. C'était pendant sa jeunesse, quand il était drogué. Il fuyait son père célèbre peintre caractériel, et le traumatisme du meurtre de sa mère.

De cette jeunesse de camé, il ne lui reste aucun souvenir. 
Le souvenir est la problématique soulevée par L'invisible. Car on le sent bien, le passé de Jack (le flic, donc) pèse lourd, lui qui revient chez ce père qu'il avait fui. Son retour coïncide avec l'arrivée d'un ouragan (vous la sentez venir la lourdeur de la métaphore?) et une série de meurtres tous plus odieux les uns que les autres. Ces meurtres commis par un tueur impitoyable ne dépareillent pas dans le grand catalogue sans surprise du sordide et du vocabulaire toujours identique. Vient ensuite l'élément artistique, nouvelle tarte à la crème depuis Les Visages de Jesse Kellerman. Voyez-vous, maintenant mettre en parallèle la peinture et le meurtre c'est génial. Les artistes sont visionnaires, les artistes expulsent l'indicible via leurs oeuvres... Le père de Jack couvre des dizaine de toiles avec frénésie, dressant le portrait d'un personnage énigmatique, menaçant, au visage invisible...
Pour une utilisation subtile et intelligente de l'art on préférera Jean-François Vilar et son roman C'est toujours les autres qui meurent. Par exemple. Enfin, dans L'invisible tout le contenu est servi par une plume sans saveur.



Le Puzzle
La couverture du roman représente puzzle : tout polar n'en est-il pas un ? Pobi a surtout fait un assemblage d'éléments calibrés pour produire du sensationnel. Il garde une grosse pièce dans sa manche jusqu'au bout, pour la sortir d'un coup de baguette magique après avoir fourni de nombreux éléments pour éloigner le lecteur de la vérité. Forcément, on est surpris. Tout du moins le lecteur comme moi, qui ne réfléchit pas trop. Les choses ne sont pas invisibles, mais l'auteur manipule son lecteur, l'empêche de voir, mais sans brio. La vérité a une saveur tronquée, proche de celle provoquée par la ficelle "tout ce qui précède était un cauchemar du personnage". Ta dam !

On notera au passage que le titre original, Bloodman, est plus respectueux de l'histoire.

Au final les seuls bons passages viennent de cet ouragan qui approche, mais la tension n'explose jamais. Comme le roman, qui ne tient pas debout à force d'incohérences - dont l'identité du tueur et le pourquoi du comment. On pourra lire page 162 Jake expliquer au shérif qu'il vit grâce à un pacemaker. Page 201, Jake a un malaise et le shérif s'écrit étonné : « Vous avez le cœur faible ? » Voilà le genre de boulette qui illustre l'ensemble et créé, pour moi, un blocage rédhibitoire.

Célébré aujourd'hui, il est à parier que L'Invisible sera rangé dans un an à côté de tous ces polars dits « efficaces », édités et oubliés à la pelle.

Caroline de Benedetti.

Robert Pobi, L'invisible, Sonatine, 2012, traduit de l'anglais (Canada) par Fabrice Pointeau. 21,30 euros, 425 pages.

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