Un tueur qui a imaginé des crimes très tordus.
Un écrivain raté et amnésique.
Un agent du FBI homosexuel.
Une médecin légiste sortie d’un magazine.
Ces trois derniers sont à la poursuite du tueur, seuls, parce que celui-ci les a menacés, sinon, de faire exploser un immeuble (donc, ils obéissent. C’est simple, non ? Essayez, demain.)
Des victimes enfermées dans une salle pour jouer leur sort au poker.
Des cadavres avec un chiffre marqué au fer rouge dans le dos et des indices introduits dans leur corps…
Faites signe quand vous trouvez que la liste de stéréotypes est trop lourde…
Une prostituée mignonne et gentille.
Un médecin qui pratique l’hypnose pour découvrir les secrets du passé de l’écrivain.
L’agent du FBI qui s’appelle Dexter.
Des phrases comme ça à la pelle : « Dexter éprouva la sensation désagréable que les flammes qui ravageaient la Californie n’étaient autres que celle de l’enfer dont les portes s’ouvraient sur leur destin. »
Un tueur qui se surnomme Maëstro mais que les protagonistes appellent aussi volontiers le « Monstre ».
Un roman qui explose les scores d’utilisation de l’italique, avec une moyenne d’un mot par page (si quelqu’un a compris pourquoi…). Un exemple ? Pensez à tous ces personnages, qui sont américains, vivent à San Francisco. La pute s’appelle Katsumi, la légiste Franny. Cette dernière, pas trop perturbée d’être forcée à autopsier des cadavres (on comprendra pourquoi plus tard…), invite Katsumi, et ça se passe comme ça :
« - This is the end ! s’exclama-t-elle. Il est l’heure d’aller prendre un petit déjeuner, ma jolie. Et c’est moi qui t’invite. » (notez deux italiques en une phrase, et une phrase en anglais de la part de personnages sensés parler cette langue…)
Résultat : une histoire chiante, limite ridicule, avec un retournement final complètement abracadabrant, qui ne fait pas trembler et ne questionne rien du tout.
Et je me demande en terminant ce roman, un parmi les dizaines de thrillers qui sortent chaque année, d’où vient cette indulgence envers de telles médiocrités, pour que des lecteurs s’enfilent ce type de livre à longueur de temps, le goût lessivé par un vocabulaire limité et des trames toujours identiques, jouant sur l’abus de sentiments. Ces ouvrages, écrits par des individus certainement très aimables, drôles, cultivés, lus par d’autres individus eux aussi plein d’humour, aimant les chats, ouvrir un blog et se retrouver entre amis, mais totalement étrangers à une vision d’ensemble (la place prise par cet ouvrage vaut-elle le papier utilisé, le travail d’une attachée de presse, le manuscrit qui sera refusé à un autre auteur ?...), à un sens critique poussé, allant jusqu’à le rejeter car rappelez-vous l’adage : « On dit pas c’est pas bon on dit j’aime pas. » Il semble ainsi inévitable que l’envie de se détendre, de rompre avec les problèmes quotidiens, passe par le gavage d’histoires formatées, comme s’il était impossible de s'évader avec des histoires bien écrites et bien pensées. Le plus profond mystère demeure quant à ce phénomène.
Voici le roman, refait à l’endroit (GROS SPOILER - REVELATIONS À VENIR) :
Ils sont jeunes et étudiants à l’Université. Il y a Harold et ses amis friqués et un peu cons, et puis Lil, la fille dont tous sont amoureux, et puis aussi Matthew, l’intello dont Harold est jaloux. Harold aime Lil, qui l’aime aussi mais est amie avec Matthew. Harold et Lil et ses potes partent camper, feu de camp, alcool et tralala… Harold s’éloigne dans les bois, entend des cris, revient sur ses pas et trouve ses amis en train de brûler Matthew, le corps de Lil violée et tabassée étendu sous un arbre. Matthew accusé et condamné par la justice. Lil dans le coma, puis morte. Harold sombre dans la drogue et l’amnésie, ses petits copains poursuivent leur route dorée. Fin du drame.
Des années plus tard, arrrive le tueur qui sème des cadavres et oblige Harold, Dexter le flic du FBI et Franny la légiste à coopérer. Attention : le tueur est en fait Matthew, qui après internement psychiatrique a été libéré et a disparu dans la nature. Le flic du FBI est le demi-frère du tueur, leur père ayant été forcé de bidouiller toutes les preuves pour accuser Matthew (son fils, donc). Il a quand même sauvé Lil qui s’était réveillée du coma, Lil qui en plus était enceinte… Lil envoyée en Suisse, retapée par la chirurgie esthétique et devenue… la médecin légiste !! Si ! Si vous voulez mieux comprendre et tout savoir, lisez le roman…
Stéphane Marchand, Maëlstrom, Flammarion, 2011, 19,90 euros, 344 p.
Caroline de Benedetti
2 commentaires:
J'adore ton spoiler ! Comme ça, je pourrai prouver (dans un hypothétique dîner mondain) que je l'ai lu...
Ceci étant, la phrase que je préfère, c'est quand même celle-là : "comme s’il était impossible de s'évader avec des histoires bien écrites et bien pensées".
J'ai vraiment adoré lire ce retour ! Merci pour le style et l'humour, c'est frais de lire ce genre de plume ! ( Je ne connais pas l'auteur, ni le livre ) mais Bravo à vous madame De Benedetti !
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