Dans la préface, l’éditeur américain regrette que La belle
vie ne soit pas reconnu au même niveau que des romans « transgressifs de
la satire sociale tels Fight Club et American Psycho. » Il ajoute que La
Belle vie est imaginatif et brutal. Quelle imagination y a-t-il à prendre LA et
Hollywood en exemple pour montrer que les paillettes cachent un univers
sordide ? Je n’exclue pas de ne pas percevoir ce qu’il faut percevoir, ou
de n’être pas sensible à cette approche. Il est aussi possible que la récente
lecture de Blue Jay Way de Fabrice Colin ait accentué cette impression de déjà vu.
Hollywood un lieu de faux-semblants, qui en doute encore ? Tout au long du
roman Aaron Spelling est le référent suprême du personnage principal, qui rêve
de vivre comme dans les séries de ce producteur à succès. La Belle vie est un
peu à la transgression ce qu'Aaron Spelling est à la série télé : plat, cliché
et couru d’avance.
Les moments de réussite - il y en a - ne sont pas dans les excès de sexe
et de drogue (presque) habituels (le rat de l’American Psycho de Bret Easton
Ellis est ici remplacé par un marteau piqueur) mais dans les brèves
descriptions de la faune miséreuse de la ville, putes, travailleurs et
immigrés. Les riches membres de l’industrie hollywoodienne, eux, sont aussi
vides que leur compte en banque est plein, et leur succès se mesure à l’aune de
la position de leur demeure sur la colline. Plus elle est haut perché, plus
ils ont réussi leur carrière. Mais leur vie ? Car celle-ci ne leur
permettant plus de ressentir d’émotions, ils cherchent les sensations fortes
dans des plaisirs sexuels qui se doivent d’être extrêmes pour être jouissifs,
allant parfois jusqu’à la mort pour une poignée de dollars (on est à
Hollywood). Violence, domination, le cocktail est connu.
Jack, le personnage principal qui nous entraîne dans sa
chute morale, est un acteur raté marié à une pute assassinée. Autour de lui,
pas d’amitié ni d’amour, juste des
connaissances. Le flic qui enquête, la femme qui le met dans son lit, le
prostitué camé, la présentatrice télé... Tous sont pervertis, pardon,
« libérés », mais l’assument plus ou moins, et dérivent pour des
raisons diverses (une relation incestueuse, une carrière ratée...). Au début
spectateur de la misère, Jack en devient petit à petit un composant. Il
n’obtient la richesse et un début de célébrité qu’au détriment de tout le
reste. Sur une page, l’auteur vous matraque le moment où il bascule :
« J’avais franchi la ligne qui séparait la conduite acceptable de celle
que la plupart des gens considéraient comme un appel au lynchage. » « Une existence hors des sentiers
battus » « entrer dans un monde où les conventions habituelles ne
s’appliquaient pas » « financer mon retrait de l’Amérique
puritaine » « inutilité de la vie en société ».
Le constat est limpide, écrit à coups de coke, de merde, de
sperme et de sang.
Si les protagonistes transgressent les barrières morales, repoussant certaines limites sans aucune pensée propre, ils demeurent esclaves. Leur univers sans perspectives autre que leur plaisir immédiat et égocentrique les mène immanquablement à la destruction. Jack n’a rien de subversif, il est à part entière dans le système et rêve de ce dont on lui dit de rêver. Rebelle en toc. C’est ce que l’auteur voulait montrer ? Peut-être. L'extrême et l'explicite ne sont pas choquants, ils installent une distance et une froideur qui font perdre sa noirceur à l'atroce. Il y a au final à mon sens plus de transgression et de satire sous la plume d’Heinrich Steinfest évoquant la relation incestueuse de son flic dans Requins d’eau douce ou
dans la déchéance du Captain Blood de Michael Blodgett.
Mise à jour : Yan a lu le roman, avis à lire sur son blog Encore du Noir.
Mise à jour : Yan a lu le roman, avis à lire sur son blog Encore du Noir.
Caroline de Benedetti
La belle vie, Matthew Stokoe, Gallimard/Série Noire, 2012, 23,50 €, 450 p.
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