La présence du fantastique dans le roman policier n’est pas chose courante, qu’il soit un élément de l’histoire, ou son sujet principal. Il faut aller voir du côté de la collection Polar Grimoires, d’Anaisthesia d’Antoine Chainas, de Darling Jim de Christian Mork, de Rennes-le-Château d’Eric Maneval ou encore vers Au seuil de l’abîme de Hake Talbott.
Pour son premier roman, Emmanuel Grand choisit la Bretagne et la légende de l'Ankou, personnification de la mort. Sur une petite île en face de Lorient, l’arrivée de Marko l’Ukrainien ne passe pas inaperçue. Clandestin en fuite, à peine débarqué il se fait embaucher sur le bateau de Caradec : encore un étranger qui pique le travail de l’autochtone ! Le curé, les marins, le libraire, une jeune femme séduisante... les îliens se positionnent face à lui. Il pourra compter sur l’amitié de certains, au mieux sur le silence des autres, et la franche hostilité d’un petit nombre. C'est que l’arrivée de l’Ukrainien coïncide avec un meurtre. Marko réveille de vieilles histoires, auxquelles se mêle les superstitions locales.
L’Ankou flotte sur le paysage et apparaît à l’Ukrainien, qui tente de comprendre ce qui se passe et le transforme en suspect idéal.
Il fallait bien ces terres fantasmagoriques entre mer et landes pour créer une ambiance inquiétante. En pleine ville, l’effet n’aurait pas été le même.
L’écueil de ce genre d’histoire tient dans le parti pris de l’auteur : le surnaturel existe-t-il ? Ici, le mélange n’est pas totalement réussi, comme si l’auteur n’avait pas su quelle issue choisir. Il joue trop brièvement sur l’ambiguïté avec la folie. Après avoir tenu son lecteur avec le mystère de l’assassinat spectaculaire d’un des marins, et l’avoir fait douter de certains personnages, il livre une fin en demi-teinte qui peut ne pas satisfaire tous les lecteurs. Dans une même veine, on pourra lire le roman de Domingo Villar, La plage des noyés.
Terminus Belz, Emmanuel Grand, Liana Levi 2014, 19 euros, 368 p.
Caroline de Benedetti
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