Le dernier tigre rouge, Jérémie Guez

vendredi 23 mai 2014

Après une trilogie dite parisienne, plus axée sur la jeunesse d'aujourd'hui que sur Paris, Jérémie Guez tranche et se tourne vers une autre époque et un autre continent. Le choix est audacieux et bienvenu ; après Du vide plein des yeux l'auteur risquait de tourner en rond en répétant toujours la même histoire.


Ils étaient nombreux, amassés sur les berges du fleuve Rouge, les yeux rivés sur le pont en porte-à-faux Paul Doumer qui égrenait sans fin les véhicules de l'armée française, pleurant parfois à la vue des leurs.

1946-1953, de Hanoï à Dien Bien Phu, un légionnaire français fait la guerre et affronte un étrange soldat du camp ennemi. Le dernier tigre rouge se déroule dans la chaleur de l'Indochine, à la fois dans les bars de la ville et au milieu des coups de feu, avec les soldats. Il montre, entre autre, la guerre et son fonctionnement. Le héros pourrait être le légionnaire Charles Bareuil, mais il y a aussi le juif français passé à l'ennemi, Hoa la Viet-Minh, les généraux, les chinois, le commandement, le russe Gordov...

Condenser ces années en quelques pages est la plus grosse difficulté qu'affronte le roman. Certaines parties s'apparentent plus à un cours d'histoire en accéléré. Le décor reste à peu près aussi peu palpable que les personnages. Le jeu du chat et de la souris entre le légionnaire - qui préfère la camaraderie à l'idéologie - et le tireur d'élite qui combat pour elle, ne procure pas l'explosion qu'on attend. Sans doute la faute du récit, qui balance entre la pure aventure et les questions morales sur la guerre et les hommes.  Le tout produit un manque d'aboutissement qui laisse le lecteur à distance. 

On aurait voulu que le roman reste à l'identique d'un démarrage prometteur, 50 pages nerveuses au parfum d'aventure dans les rues de Hanoï. Le premier faux pas vient d'une facilité scénaristique, quand le légionnaire Bareuil trouve bien trop miraculeusement l'identité du Tigre Rouge qu'il va affronter. Hasard qui se répète plusieurs fois, quand les deux hommes, engagés dans ce grand territoire, au milieu de tous les combattants, se retrouvent un peu facilement.

On ne fait jamais la guerre contre les hommes qui sont en face de nous sur le champ de bataille. On fait la guerre à quelque chose de plus grand, à ceux qui commandent, pas à ceux qui exécutent.

L'autre point faible vient de la romance, l'incontournable romance, qui relève plus du ressort dramatique que d'un véritable apport à l'histoire. Quant au style, mélange de force et de sobriété dans les précédents romans, il devient ici plus banal et tombe parfois dans certaines facilités (on s'encanaille et on a des frissons dans l'échine).

Le passage au "standard" 10/18 ne réussit pas à l'auteur. Aussi facile à lire qu'il soit, Le dernier tigre rouge manque de caractère et ne provoque pas un franc enthousiasme, au regard de ce qu'on pouvait espérer.

Jérémie Guez, Le dernier tigre rouge, 10/18, 2014, 7,10 €, 235 p.

Caroline de Benedetti

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