Alexis Ragougneau est un auteur de théâtre. On imagine que cette expérience lui permet de savoir comment planter des personnages et tenir une histoire. Peut-on reprocher ses qualités à un roman ? Peut-on se sentir gêné de percevoir l'application à mettre en place les bons ingrédients ?
La madone de Notre Dame est une jeune femme vêtue de blanc, dont le cadavre est retrouvé figé comme une statue sur un banc. Le vagin collé à la cire. La symbolique est là, l'élément marquant aussi.
Le lieu du crime, la cathédrale Notre Dame, possède une forte charge imaginaire. Site touristique, élément littéraire et cinématographique familier, il pourra sans peine se prêter au jeu de la tarte à la crème : rapprocher les personnages de Ragougneau et ceux de Hugo. Mettez une femme dans une cathédrale, ça n'en fait pas Esmeralda.
Les personnages, parlons-en. Ils sont dotés des qualités nécessaires à toute bonne histoire : drame personnel et élément caractéristique. Kern, le prêtre enquêteur, est plus proche d'un Poirot en soutane ou d'un Père Brown que d'un Quasimodo. Prisonnier d'un petit corps d'un mètre quarante, il souffre de crises physiques et de la mort de son grand frère voyou. Aumônier de prison, il visite un condamné pour meurtre, Djibril, qui n'arrive pas à expier sa faute (et on se demande à quoi sert le personnage). La justice et la police se tiennent à côté de l'homme de Dieu. Claire, la substitut du procureur, est une jeune femme hargneuse dont le tempérament cache un drame de jeunesse. Landard le mauvais flic travaille en binôme avec Gombrowicz le sensible. Quant au suspect, il prend la forme d'un "ange blond", jeune homme déséquilibré à la sexualité honteuse. À leurs côtés il y a la dame Pipi, Kristof le clodo polonais et Mourad le surveillant de la cathédrale.
Certaines scènes du roman peuvent faire surgir les images de Montgomery Clift dans I Confess
(La loi du silence, Alfred Hitchcock)
À toute cette galerie l'auteur n'a pas manqué d'associer un fond. Il lie les racines de son histoire à la guerre d'Algérie et ramène le crime à une de ses causes habituelles : le sexe. Indéniablement, tous les ingrédients sont là. De plus l'écriture s'avère plaisante et la scène d'introduction est prometteuse. Mais la recherche de l'identité du coupable ne mobilise guère les neurones du lecteur, le roman étant court et les personnages finalement assez peu développés. Il reste cette impression de lire un travail honnête et agréable, traversé par quelques belles scènes (le prêtre vacillant face au sein blanc de la prostituée) sans que tout ça ne fasse frémir un cil.
Alexis Ragougneau, La madone de Notre-Dame, Viviane Hamy, 2014. 17 €, 202 p.
Caroline de Benedetti
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